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Kenny Barron en concert au Nice Jazz Festival

© Photo Y.P. -

© Photo Y.P. -

Une légende. Purement et simplement.
L’un des grands maîtres du piano-jazz.
Kenny Barron.

L’un des grands intérêts des festivals en général, et du Nice Jazz festival en particulier, c’est de permettre au public de passer d’inoubliables soirées, comme c’était le cas hier, au cours desquelles se côtoient des jeunes pousses prometteuses (Gaby Hartmann qui vient d’être signée chez Sony Music pour un premier album), des artistes en pleine maturité (l’épatant saxophoniste ténor Samy Thiébault venu présenter sur scène son non moins épatant dernier album en date Awé ! ) et donc cet immense pianiste né en 1943 à Philadelphie.

Avec qui Kenny Barron n’a-t-il pas joué ?
La réponse à cette question n’est pas Stan Getz, Freddie Hubard, Chet Baker, Benny Carter, Buddy Rich, Joe Henderson, Ornette Coleman...

Et puis surtout un certain Dizzie Gillespie, pour qui Mister Barron joua au sein du prestigieux quartet, de 1962 à 1967.
Une légende, vous dis-je.

Il arrive sur scène, tranquillement, jaugeant le public du Théâtre de verdure, il adresse un petit salut de la tête aux très nombreux spectateurs, s’asseoit devant le clavier du Steinways and Sons, range son Iphone sur le sommier du magnifique instrument et relève ses lunettes sur le front.

Il place ses mains sur les touches blanches et noires.
Et la magie d’opérer immédiatement, avec une entrée en matière qui comble de bonheur immédiatement tout le public.
Un swing délicat, un toucher léger, aérien, une manière très personnelle de poser ses mains sur le clavier.

Son style est de ceux que l’on ne rencontre plus très souvent.

Les jeunes pianistes « arpentent » et « explorent » les quatre-vingt huit touches dans de longs allers-retours, certes très techniques, certes souvent très mélodiques et passionnants, comme s’ils voulaient démontrer et prouver en permanence leur virtuosité pour se créer une place au soleil des projecteurs scéniques.

Kenny Barron, lui, procède de toute autre façon.
Ses mains sont comme des pattes de chat, rondes, aux doigts étonnamment assez courts.
Lui, tout son immense talent repose en partie sur une fascinante capacité à jouer dans des espaces assez réduits, dans le milieu du clavier, pour nous proposer des thèmes et des improvisations magnifiques.

La technique est évidemment là, mais pour chaque morceau interprété, il met en œuvre un véritable discours musical épuré, sans forcément beaucoup de notes à la seconde, mais en nous procurant cette assez rare impression, finalement, que chaque note jouée est à sa seule et unique place possible.
Le grand instrumentiste ne se lance jamais non plus dans de grands gestes très à la mode. Lui dégage un sentiment d’apparentes (seulement apparentes) facilité et d’économie de moyens.
Kenny Barron, la force tranquille du jazz au piano.

© Photo Y.P. -



 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

De très grands moments nous attendent durant cette heure et trente minutes que durera ce merveilleux concert.

Une composition viendra rendre hommage à l’un de ses grands mentors, nous dira-t-il, un certain Bud Powell.
Cette pièce au titre on ne peut plus signifiant, Bud like, va nous montrer toute l’étendue du magnifique talent du musicien.
Son swing intense et très pur, néanmoins très mélodique et lyrique, est toujours aussi renversant et sidérant, vous procurant des frissons dans le dos.

Impossible de ne pas avoir envie de remuer le pied pour battre la mesure en rythme ou de claquer des doigts.

Il faut dire qu’à ses côtés deux sidemen d’envergure partagent la scène.

A la contrebasse, le fascinant contrebassiste Kiyoshi Kitigawa, qui, imperturbable, délivre des walking bass sidérantes, avec des positions de mains à la limite du possible : des barrés sur toutes les cordes, des petits glissandi aux deux extrémités de la touche, un jeu au pouce hallucinant sur trois cordes...
Ses soli seront très applaudis.

Tout comme ceux de Willie Johnson III, à la batterie.
Lui aussi va nous faire très vite comprendre que jouer avec Kenny Barron n’est pas donné à tout le monde.
Dans un jeu qui n’est pas sans rappeler celui de Buddy Rich, le batteur, lui aussi imperturbable, ravira les aficionados de l’instrument avec notamment des moulinets très visuels, des frisés et des roulements d’anthologie.
La main gauche est tout simplement phénoménale.

Dans les gradins, on entend les mouches (et les moustiques…) voler.
Tous nous retenons notre souffle, avec notamment deux versions sublimes de deux grands morceaux.
Le premier de ces titres, c’est le Nightfall de Charlie Haden, le second étant une étonnante version de Fragile, de Sting.

Le concert est réglé au millimètre.
Jamais les trois musiciens ne se regarderont, tous les morceaux sont enchaînés avec une précision d’orfèvre, le dialogue musical intense et profond est naturel et comme évident.
Là encore, le légendaire professionnalisme US est mis en avant.

Ces quatre-vingt dix minutes vont passer beaucoup trop rapidement.
Néanmoins nous savons tous que nous venons d’assister à un concert majeur et magistral, un peu « à l’ancienne », avec beaucoup de thèmes en mode majeur, swinguant, primesautiers, gais, ce qui ne se rencontre plus si souvent que ça, par les temps qui courent
Avec un prime, le plus court et le plus drôle rappel de l’histoire du jazz. Et vous n’en saurez pas plus !

il sera en concert demain lundi 18 juillet, pas très loin de Nice, au festival de jazz de Sète, et pour les Parisiens, à la Villette le 2 septembre prochain.

Le bonheur, finalement, c’est simple comme un concert de Kenny Barron !

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