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Fatatras

© Photo Y.P. -

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Quand Anne et Jean-Paul s’en vont faire le Jacques !

Anne Baquet et Jean-Paul Farré se sont donné rendez-vous depuis le 11 janvier dernier au Poche-Montparnasse pour un remarquable spectacle à la fois poétique et musical qui rend un hommage touchant et drôle au plus célèbre de nos poètes.

Mais quelle bonne idée a eu le metteur en scène Gérard Rauber d’avoir réuni la chanteuse lyrique et le comédien, que les lecteurs de ce site connaissent bien !
On sait en effet que je ne rate aucun spectacle de M. Farré, et on se souvient des deux derniers formidables spectacles de Mademoiselle Baquet, ABC d’airs et Soprano en liberté.

Les deux artistes vont cette fois-ci nous proposer un véritable inventaire de textes et de chansons du grand Prévert, balayant en une heure et quart son œuvre, dans un montage et un fatatras nécessaire et réjouissant.
Fatatras : néologisme plaisant issu de « Fatras », l’un des recueil du poète, et « patatras », interjection bien connue.

Sur le plateau du Poche, nous attendent de mystérieux et grands objets, pour l’instant recouverts de toiles blanches.
Nous saurons ce qui se cache en dessous au bout de quelques textes et chansons. Tout nous sera dévoilé.

Tout commence dans le noir. Deux voix, un premier dialogue, avec beaucoup d’humour, cet humour ô combien irrésistible et ô combien spirituel du poète.
L’entrée en la matière est très réussie : en quelques secondes, nous sommes plongés dans cet univers poétique et drôle.

Nous allons très vite comprendre également la répartition des rôles.
Anne Baquet va une nouvelle fois nous ravir de son talent de chanteuse lyrique, Jean-Paul Farré va nous prouver, encore et toujours, sa capacité à dire des textes, à mettre en voix des mots.

L’une des grandes qualités du spectacle est l’articulation de ces textes et ces chansons, pratiquement toutes signées musicalement par le grand Joseph Kosma.
Les deux artistes vont remarquablement se compléter. Une jubilatoire dramaturgie met en forme cette collection d’œuvres, dans un tourbillon très maîtrisé.

Ici, pas de pianiste ou autre instrumentiste : les deux s’accompagnent eux-mêmes, avec tout une kyrielle de petits instruments, de ceux qui évoquent un monde poétique, un monde de l’enfance. Je vous laisse évidemment découvrir l’instrumentarium utilisé !
Les arrangements de Damien Nédonchelle sont épatants !

Le mot est dit : l’enfance. L’enfance, où tout est permis ! « On dirait qu’on ferait ci, on dirait qu’on serait ça... »
Ici, et c’est une autre merveilleuse réussite du spectacle, c’est d’avoir saisi et évoqué ce monde de l’enfance.
Prévert, le poète des petits et des grands enfants. Ce spectacle le démontre de façon limpide et magnifique.

D’ailleurs, la très jolie malle ancienne de laquelle seront extirpés toute cette collection d’instruments et les autres accessoires est évidemment un coffre à jouets !

Les treize chansons seront pour la plupart interprétées en duo.

La sauce prend à chaque fois : on ne peut qu’être véritablement enthousiasmé, amusé ou bouleversé par ce que nous entendons.
Les deux artistes sont deux grands musiciens, nous permettant de nous replonger dans cet univers si intense et prenant du duo Prévert et Kosma.

Nous allons énormément rire !
Quelle vis comica, quelle force comique se dégage de ces deux-là !
Une grande fantaisie règne en permanence sur le plateau : celle qui émaille beaucoup de textes du poète. Le surréalisme est passé par là.

Oui, nous autres spectateurs rions beaucoup : les attitudes, les mimiques, les gestuelles, l’interprétation des œuvres plus ou moins connues, tout ceci fait fonctionner nos zygomatiques à plein régime.
L’amusement des deux artistes est manifeste : les deux jouent à jouer !

Pour autant, des moments plus graves viennent nous rappeler l’engagement humaniste, politique de Jacques Prévert.
Prévert, le poète du peuple. On se rappelle sa participation du groupe Octobre, un mouvement proche du parti communiste français. (Au passage, faisait partie de ce groupe Maurice Baquet, le papa d’Anne.)

Jean-Paul Farré nous dira des mots touchants, graves, comme ce magnifique poème La grasse matinée : « Il est terrible le petit bruit de l'œuf dur cassé sur un comptoir d'étain, il est terrible ce bruit quand il remue dans la mémoire de l'homme qui a faim [...] »
Nous n’en menons alors pas large… Prévert, la poésie au service de la politique dans ce quelle a de plus noble.

Puis, l’humour reprend ses droits : cette autre alternance fonctionne également à la perfection.

Je vous entends d’ici : l’œuvre la plus célèbre du duo Prévert et Kosma sera-t-elle interprétée ?
Eh bien oui !
Anne Baquet et Jean-Paul Farré vont nous offrir, c’est vraiment le verbe qui convient, une sublime version des Feuilles mortes, dans un moment qui m’a procuré bien des frissons !

Ne passez surtout pas à côté de ce magnifique spectacle, qui nous rappelle s’il était encore besoin l’importance de Prévert dans nos vies.
Un spectacle nécessaire, lumineux, solaire et qui fait beaucoup de bien par les temps qui courent !

© Photo Y.P. -

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