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Le prix de l'ascension

© Photo Y.P. -

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Vous détestiez la politique ? Ce sera encore pire.

Tout ce que vous toujours voulu savoir sur la politique au sens le moins noble du terme.

 

Victor Rossi et Antoine Demor ont écrit une jubilatoire « docu-comédie » qui va nous plonger dans les arcanes de l’accession au pouvoir suprême. Des contrées où règne le plus grand cynisme et où tous les coups sont permis.

 

Pourquoi cet homme qui se plante devant nous veut-il en finir avec la vie ?

Flash-back.

Bienvenue à l’Ecole Nationale d’Administration où nous allons faire la connaissance de deux jeunes étudiants, futurs administrateurs civils et hauts fonctionnaires. Tout sépare Laurent Bonteint et Brice Capot, pourtant camarades et copains de promo.

Le premier, pur produit de la droite française, est issu du sérail. Le second, fils de petit assureur, doit tout à son travail.

 

À la suite d’un résultat catastrophique au concours de sortie de l’E. N.A., Bonteint se retrouve chef de cabinet du président du conseil départemental de la Creuse. Pour lui, cette affectation est vécue comme une véritable punition.

Capot, lui, beaucoup mieux classé, devient auditeur à la prestigieuse Cour des comptes.

 

Et nous voici embarqués durant une heure un quart dans leur ascension professionnelle parallèle, qu'elle soit politique ou administrative. Nous n’allons pas tarder à comprendre que les deux vont se livrer à ce qu’il y a de pire en la matière : corruption, détournements de fonds, j’en passe et des pires. En même temps, que ce soit en terme de décentralisation ou de déconcentration, les deux amis vont devoir se livrer à bien des coups bas pour assouvir leur soif de pouvoir.

 

Tous les microcosmes de ce pouvoir « républicain » seront auscultés, pour aboutir à de gigantesques scandales politico-financiers qui ne sont pas sans rappeler des affaires passées ou en cours.

 

Grâce à une écriture précise, ciselée, incisive, les deux auteurs-comédiens nous font ainsi réfléchir quant aux mécanismes qui font que de jeunes serviteurs de l’État en viennent à devenir de véritables salopards publics.

 

L’écriture sera également très humoristique.

Nous allons beaucoup rire, grâce notamment à des formules épatantes. L’évocation d’une urne, la description d’un certain département, le nom des différents scandales, tout ceci nous amuse énormément.

 

C’est drôle, et c’est grinçant. Les deux ont une connaissance impressionnante des rouages absurdes et ubuesques de notre administration. Des exemples sidérants nous seront présentés. Le théâtre public en prend d’ailleurs pour son grade.

 

Humour également dans le jeu des deux comédiens qui incarnent leur personnage respectif avec une grande force comique. La démagogie avec laquelle s’adresse Laurent Bonteint-Antoine Demor à d’hypothétiques électeurs fait fonctionner nos zygomatiques à plein régime. Et pourtant, une impression de vérité émane de cet humour-là, paradoxalement.

 

Messieurs Demor et Rossi sont totalement crédibles dans leur rôle, et deviennent ces Rastignac avec une justesse jamais prise en défaut. On croit totalement à leur personnage.

 

Si la scénographie se réduit pratiquement à un bureau et un fauteuil, la création sonore aura une importance des plus capitales.

À plusieurs reprises, des voix viennent se substituer à la parole des artistes : nous entendons alors une grande partie du personnel politique français, les comédiens bougeant leurs lèvres en même temps.

L’effet est très réussi et nous mesurons une nouvelle fois le décalage pouvant exister entre les intentions et les faits.

 

Un débat d’idées et de programmes va constituer un autre grand moment du spectacle, soulignant la férocité d’hommes pourtant au service de leurs concitoyens. L’amitié ne compte alors plus du tout.

 

Je suis par ailleurs certain que dans l’esprit des deux auteurs il est hors de question de se lancer dans une démarche du type « tous pourris ». Seules les dérives sont ici pointées du doigt.

 

Au final, ce spectacle malin, intelligent et brillant, permet par le rire de dénoncer les errements et les abus de notre Vème République.

La démonstration est plus que convaincante. On ressort de la Comédie de Paris en se disant qu’en tant qu’électeur il est vraiment nécessaire non seulement d’aller voter, mais de bien voter !

Quand le théâtre sert aussi à éveiller les consciences.

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