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Emile Parisien en concert au Nice Jazz Festival

© Photo Y.P. -

© Photo Y.P. -

Quand le sax soprano vise dans l’Emile.

Emile Parisien, l’enfant de Cahors rentré à onze ans dans la classe de jazz du collège de Marciac a créé le tout premier moment fort de ce Nice Jazz Festival 2022, enflammant tous les spectateurs du Théâtre de verdure.

Emile Parisien, celui qui arrive là où on ne l’attend pas, celui qui sait négocier les changements de cap musicaux tout en gardant une remarquable intégrité artistique et jazzistique.
Après avoir revisité le répertoire de Joe Zawinul en compagnie de l’accordéoniste Vincent Peirani, après s’être approprié Coltrane avec le DJ Jeff Mills, le voici qui rend hommage à la plasticienne Louise Bourgeois, notamment célèbre pour ses gigantesques araignées.
Cette tournée estivale fait suite en effet à son magnifique dernier album, au titre pratiquement éponyme, Louise.

A ses côtés, les musiciens qui ont participé à cette aventure musicale.
Les français Roberto Negro au piano, Manu Codjia à la guitare électrique et les américains Joe Martin à la contrebasse (l’un des sidemen les plus recherchés de la scène jazz new-yorkaise) , le batteur Nasheet Waits et surtout le jeune et talentueux trompettiste Theo Croker, dont j’avais écrit le plus grand bien ici même.

Le jazz d’Emile Parisien est un jazz exigeant, mais toujours passionnant.
Un jazz qui repose sur une virtuosité sidérante, mais sans jamais céder à l’austérité ni à la technique pour la technique.
Bien au contraire, durant les cinq titres qui vont constituer l’heure et quart du concert, va régner un lyrisme de tous les instants.

Cette virtuosité va être mise en avant dès le premier titre. Comme pour poser un certain nombre de jalons.
Les deux solistes Parisien et Croker vont nous ravir, en interprétant des lignes mélodiques intenses, des thèmes dont on mesure bien à la fois les apports stylistiques des grands anciens (difficile de faire sans Coltrane) ainsi que des foisonnements très personnels et très actuels.
Le swing est bien là, les territoires jazzistiques abordés sont paradoxalement à la fois très contraints et très ouverts sur le monde actuel.

L’écriture du compositeur-saxophoniste repose soit sur des moments pratiquement à l’unisson entre les deux instruments, soit en un système tout à fait pertinent de « questions-réponses » alternées poussant à un véritable dialogue musical.
Ce dialogue sera tout particulièrement évident dans cette version passionnante du titre Madagascar, de Joe Zawinul, qui clôturera le set.

Leurs sonorités respectives, suaves, veloutées, notamment dans les graves et les bas-medium pour le trompettiste, ces sonorités se complètent, s’unissent dans une même dimension très sensuelle.
Ces deux-là étaient décidément faits pour se rencontrer.

La manière de jouer d’Emile Parisien est assez étonnante et prouve combien sa musique relève d’une dimension viscérale et corporelle.
Il est souvent arc-bouté sur ses deux jambes, un peu comme un boxeur. Il se démène d’ailleurs comme un beau diable, donnant souvent de drôles de coup de pieds, soit pour donner une indication à ses compères, soit pour souligner la fin d’un titre.

Des compères qu’il va énormément regarder.
La musique passe également par le regard, et l’on sent bien l’admiration que porte le « leader » aux autres musiciens, allant jusqu’à s’accroupir pour mieux savourer tout en laissant toute la place à celui qui s’exprime. Ce sera évidemment le cas lors des soli magnifiques de Messieurs Negro et Codija, ou encore lors de cette grandiose envolée à la batterie de Nasheet Waits.

© Photo Y.P. -

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Parfois, en les regardant, il va jouer lui même avec son instrument sur le côté de la bouche. C’est assez étonnant. 

Mais ce qui caractérise avant tout le jazz d’Emile Parisien, c’est cette capacité à nous placer devant un miroir. Un miroir musical qui en les exprimant, va révéler toutes nos émotions, toutes nos passions.
Au fond, sa musique nous peint la joie, la tristesse, le bonheur, la douleur, la fureur, l’espoir, la peine, tout ce qui constitue notre humanité commune.

J’en veux pour preuve cette magnifique pièce intitulée Memento, qu’il a écrite pour sa maman.
Pas besoin d’être grand clerc pour deviner le pourquoi de cette sublime pièce (je pèse et j’assume cet épithète).
Mémento : je me souviens.
Et nous d’être devant un magnifique stabat mater laïc, universel et contemporain, fait de plusieurs mouvements qui nous décrivent justement les émotions du compositeur, que bien entendu nous allons faire nôtres.
C’est tout simplement bouleversant.

Une véritable ovation saluera ce concert, ce tout premier moment de grâce du festival, à tel point que l’ingénieur-lumière allumera les projecteurs blinders côté public pour souligner les applaudissements et les « bravo ! » du public.

Emile Parisien est décidément l’un des saxophonistes les plus importants de la scène jazz actuelle.

Il sera en concert à Marciac, justement, avec la même formation le vendredi 29 juillet prochain.
Le sextet se produira également au festival Jazz à la Villette, à Paris, le dimanche 11 septembre.

Quant à Theo Croker, lui, ce sera lui aussi à Marciac ce dimanche 24 juillet, avec son quartet personnel.
Qu’on se le dise !

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