Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Gerald Clayton en concert au Nice Jazz Festival

© Photo Y.P. -

© Photo Y.P. -

La grâce !
Le jeune pianiste américain a purement et simplement plongé le Théâtre de verdure du Nice Jazz Festival dans un véritable état de grâce.

Celui qui a notamment étudié avec un certain Kenny Barron, présent ici même voici deux jours, celui-là présente en cette tournée européenne son dernier album en date, Bells on Sand, un grand et passionnant album sorti sur le mythique label Blue note.
On se souvient du précédent, (déjà chez Blue note records), enregistré live au célèbre Village Vanguard et qui avait déjà ô combien marqué les esprits.

Les deux références ci-dessus vous posent son musicien : oui, Gerald Clayton est l’un des pianistes américains les plus intéressants du moment. Ceci n’a pas échappé à ceux comme Diana Krall, Roy Hargrove, Dianne Reeves lui ont déjà proposé de collaborer avec eux.

Gerald Clayton, l’élégance personnifiée.

L’élégance humaine, l’élégance musicale et surtout l’élégance stylistique de son jeu.

Trop rare en France, pourtant déjà nommé six fois aux Grammy Awards, Mister Clayton va immédiatement attirer l’attention et l’oreille des spectateurs qui pour la plupart le découvraient sur une scène.
A ses côtés, ses compères habituels : les excellentissimes Greg Hutchinson à la batterie et Joe Sanders, à la contrebasse

 

© Photo Y.P. -

Sur son premier morceau, à partir d’un seul accord et d’un seul « petit » ostinato, le pianiste va construire une remarquable progression harmonique pour arriver à une composition d’un grand lyrisme.
Avec un sens affirmé de la mélodie posée sur une grille harmonique rigoureuse et intransigeante, il ouvre un monde passionnant fait de virtuosité et de délicatesse partagées.
Clayton le mélodiste. Pas étonnant, quand on a pour mentor un certain Charles Lloyd.

Cette délicatesse nous est révélée par bien des moyens.
Le toucher, en premier lieu. 
Ce garçon a passé du temps à étudier les classiques, c’est évident.
La précision, les déliés, les nuances magnifiques, la « force tranquille » très barronnienne nous le prouvent dès les premières mesures.

J’ai alors retrouvé le jeu d’un certain Oscar Peterson. Vous avouerez qu’il y a pire comme référence...

Délicatesse également dans l’alternance des deux pianos.
En effet, Gerald Clayton, au clavier du Steinway & Sons se tourne parfois vers celui du Fender Rhodes, duquel il tire des contrepoints cristallins et éthérés.

Et puis, il y a autre chose.
Tout comme chez un certain Errol Garner, les silences comptent également, tout autant que les notes.
Dans ses compositions, on retrouve cette propension à laisser une phrase musicale en suspension, suivie par un silence qui permet de l’apprécier et de la savourer.
Les deux ballades interprétées relèveront toutes deux de ce procédé. L’économie de moyens mise en œuvre relève alors d’une magnifique épure.
Les breaks, les ruptures, les changements de rythme au sein d’un même titre participent également à ce « minimalisme foisonnant ».
(Au passage, et dans un petit laïus très drôle, il nous précisera qu’il ne nous donnera pas le titre des morceaux, ceux-ci étant sur l’album.)

Les trois musiciens vont beaucoup s’amuser sur scène.
Les échanges espiègles entre Messieurs Hutchinson et Sanders sont révélateurs.
(On notera que le contrebassiste s’est organisé comme à la maison : il s’est installé un petit tapis sur lequel il ôte ses chaussures avant de jouer. Peut-être comme pour une prière musicale d’une heure.)

 

Les deux sidemen sont eux aussi impressionnants.
Le batteur fera notamment chanter sa caisse claire en appuyant plus ou moins fort sur la peau avec la main qui ne frappe pas, et se lancera très souvent dans de vertigineux soli, privilégiant un jeu ample, avec des frisés sidérants.

Le dernier titre sonnera comme une synthèse de ce que nous venons d’entendre.

Le pianiste entame seul à son clavier un groove intense, profond, avec une main gauche assurant les basses rythmiques et la droite la grille de quatre accords.
Toujours avec cet esprit minimaliste et épuré.
Il sera alors impossible de ne pas avoir envie de bouger, de claquer des doigts.
La pulsation reprise par les spectateurs ravis qui frappent dans leurs mains résonnent longuement et fortement sous les pins qui surplombent l’amphithéâtre.

Rejoint par la section rythmique, Gerald Clayton nous enchante une dernière fois, avant de recevoir une véritable ovation.
Oui, il est des concerts qui passent beaucoup trop vite.

La grâce, vous dis-je !

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article