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Trio Viret en concert à Jazz in Marciac

© Photo Y.P. -

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Le trio Viret et Alexandre Dumas, même combat : vingt ans après !

Jean-Philippe Viret, Edouard Ferlet et Fabrice Moreau ont eu une idée peu banale.

Après un peu plus de vingt ans, après huit albums déjà enregistrés, le trio en a produit un neuvième, qui revient sur les morceaux les plus emblématiques de leurs débuts.

Attention. Il ne s’agit pas d’une relecture, d’une démarche très tendance mais finalement peu intéressante de ré-arranger des titres déjà gravés.
Non. Il est vraiment question de rejouer ces morceaux avec l’expérience, une «bouteille », une maturité acquises ensemble.

Combien avons-nous dans l’hexagone de trios qui peuvent se targuer d’une telle longévité et surtout d’une telle volonté de remettre une fois de plus sur le métier l’ouvrage ?

En cette dernière journée du festival, les trois compères sont donc venus à l’Astrada de Marciac nous présenter des extraits de ce neuvième album.

Une note, un peu lancinante, un ostinato entêtant.
C’est le début de Madame Loire, une composition du contrebassiste Jean-Philippe Viret, gravé dans l’introuvable album originel, «heureusement ré-enregistré pour que vous puissiez l’acheter », nous précisera par la suite le compositeur pince-sans-rire.

 

Ses créations relèveront souvent du même procédé.

Un ostinato prenant vient poser un cadre, vient installer un climat sonore et musical, dans lequel les trois musiciens ne sortiront que très peu, leur liberté étant totale dans ce dispositif non pas contraignant mais néanmoins un peu formel.
J’en veux pour preuve flagrante le morceau qui constituera le rappel, Sainte Awawa.
(Un autre mérite du trio, au passage, est de proposer à la vente leurs partitions.)

 

Madame Loire, donc. Pour débuter. Un fleuve musical pas forcément tranquille, mais dans lequel les musiciens vont se montrer très impressionnants.
Comment ne pas se rendre immédiatement compte de la complicité qui lie les trois ?
Pas besoin de grands gestes ni de grands regards appuyés. Tout coule de source.

Virtuosité.

Comment qualifier autrement le jeu du contrebassiste.
Dans tous les modes de jeu, dans toutes les positions du manche, dans le jeu au pouce, sans oublier le jeu à l’archet, j’ai été subjugué par tant de maîtrise au service d’un lyrisme de tous les instants.


De plus, le musicien fait preuve d’une élégance de mouvement assez rare. C’est un grand plaisir bien entendu musical de l’entendre jouer, mais c’est est un également visuel.
 

Dois-je préciser que Jean-Philippe Viret est professeur de contrebasse au Conservatoire à rayonnement départemental de Montreuil ?
Et moi d’envier ses élèves...

(A propos d’archet, j’ai pu noter qu’il utilisait la technique dite « à l’allemande », comme un certain Avishai Cohen, d’ailleurs, une technique finalement assez peu utilisée en France.)

Par tous les temps est pratiquement enchaîné.
Les spectateurs sont suspendus aux notes délicates et ciselés de ces morceaux, qui dégagent beaucoup d’images à la fois intenses et poétiques.

Un sentiment de légèreté pourtant assise sur un cadre harmonique très rigoureux règne en permanence.
On retrouvera cette marque de fabrique du trio dans toutes les compositions.

Au piano, Edouard Ferlet nous prouve son grand amour de la musique classique.
Dans son jeu, dans l’énoncé ou la reprise des thèmes, dans ses improvisations, on peut retrouver des influences d’un certain Stravinsky, et plus fréquemment d’un certain Jean-Sébastien Bach, avec des cadences très particulières.

Je rappelle que le pianiste a enregistré deux albums, Think Bach et Think Bach 2, dans lequel il revisitait de façon passionnante des œuvres du cantor de Leipzig.

Fabrice Moreau quant à lui distille avec précision, légèreté et un rythme et une pulsation idéales. Là encore, on sent bien la cohésion et l’osmose avec les deux autres musiciens.
Il n’est pas rare que lui aussi reprenne en l’adaptant pour ses baguettes le discours musical des motifs harmoniques énoncés par ses comparses.

Le temps passe. Trop vite.
Les morceaux se succèdent, procurant au public un sentiment de plénitude, de sérénité, et au final de grand bonheur.

Le rappel, avec Sainte Awawa, donc.
Avec ce motif mélodique qui vous reste de façon jubilatoire en tête très longtemps après être sorti de la salle.

Le trio se verra très chaleureusement applaudi.
Tous autant que nous sommes sachant bien que nous venons d’assister à un concert rare, de par la démarche créatrice mise en œuvre, et surtout par la maîtrise instrumentale et la cohésion de tous les instants qui se dégagent en permanence du jeu de ces trois artistes majeurs de la scène jazz française.

Vingt ans !

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