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Edward Perraud en concert à Jazz in Marciac

© Photo Y.P. -

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Edward Perraud, le batteur en « hors » !

Edward Perraud, le « hors-là », celui qui sort de tous les sentiers battus, l’inclassable, celui qui transforme chacun de ses concerts en un fascinant moment de jazz et en même temps de recherche formelle et sonore.
Ou comment subjuguer tout un public, comment faire en sorte que les spectateurs écarquillent à la fois leurs oreilles et leurs yeux.

Ce concert est prétexte à nous présenter son dernier album en date paru en 2020 chez l’excellente maison d’édition Label Bleu, à la Maison de la Culture d’Amiens.
Un album intitulé Hors temps. Qu’est ce que je vous disais...

« On va se mettre dans une idée de musique, pour mieux se retrouver sur la Terre, pour mieux retrouver un souffle d’humanité. »
Voici quels sont ses premiers mots, avant même de jouer. Un bien joli message, non ?

Voici le premier titre, Hors sol.
Les trois musiciens, Bruno Angelini au piano, Arnault Cuisinier à la contrebasse et donc Edward Perraud à la batterie entament une pièce en mode mineur, dans un premier temps toute en douceur, au thème délicat.
Le trio est parfait de cohésion, d’osmose. Nous voici embarqués dans un très beau et très singulier voyage, de ceux qui vous font aller très loin.

Le batteur a en main une fine baguette et un balai. Comme pour nous adresser un premier message. Ce que nous allons voir et entendre sort de l’ordinaire.
Sur ses cymbales, on aperçoit des crotales métalliques qui produiront des sons cristallins très aigus.
Il les déplacera parfois, changera de baguette, dans l’optique de varier les sonorités. Elle est là, cette recherche sonore de tous les instants.

La démarche du batteur-percussionniste est tout à fait passionnante, parce qu’outre la dimension sonore, vient se greffer une puissance visuelle hors du commun.
Non seulement Edward Perraud est un grand technicien de l’instrument, mais il parvient en plus à créer des images impressionnantes, de changement d’outils percussifs, de jeu extra-ordinaire (grattements ou frottements) sur les peaux et les cymbales, ou de déplacements d’objets en tous genres destinés à produire des sons oniriques.

Mais que l’on ne s’y trompe pas : ici, pas d’effets gratuits destinés à épater la galerie.
Le jeu d’Edward Perraud, s’il est certes très spectaculaire, est avant tout vecteur d’une grande originalité et d’une cohérence de tous les instants. Ce jeu est au service du propos musical. Et uniquement.

Une progression magnifique est engagée jusqu’à la fin de ce premier morceau.
Des roulements très sonores retentissent, comme un cri, comme des coups portés à la continuité temporelle.

© Photo Y.P.


D’autres très grands moments nous attendent, comme ce titre Hors piste.
Un retour aux racines africaines, au monde personnel de l’enfance gabonaise, un autre voyage à la fois géographique et temporel.
Avec un homme au Dr Schweitzer, qui jouait du Bach à Lambaréné.

Bruno Angelini s’engage alors dans une fugue magnifique, avec le contrepoint correspondant à la contrebasse d’Arnault Cuisinier.
Le batteur s’est emparé d’un bol métallique et en tire des sons intenses.
Il utilise également une sorte d’archet très court dont il frotte les crins sur le bord des cymbales, produisant ainsi de longues sonorités étranges et originales.
Une énergie vitale monte de cette composition, le groove africain, les notes syncopées, un solo de contrebasse très lyrique, tout ceci nous plonge dans un ravissement de chaque instant.
Les mains, sans autre prolongement, serviront également à frapper le rythme et la pulsation.

Chaque spectateur reçoit le processus créatif de plein fouet, à chaque fois sidéré et admiratif devant la technique, la virtuosité et le total engament du batteur.

Il y aura également Flower of skin, A fleur de peau ou A peur de flot, ou A pot de fleur, nous dira-t-il avec beaucoup d'humour. Au choix.
Un autre thème passionnant est alors joué, par un trio décidément en grande forme.
Edward Perraud se servira de sa cavité buccale pour faire varier le timbre des sons des crotales.
C’est à la fois magnifique et très étonnant.

A la fin du morceau, il remerciera vivement le public de sa chaleur humaine et de son empathie, « ce dont nous avons tellement besoin...».

Et puis un dernier solo stupéfiant à la batterie.
Impossible de ne pas penser à un certain Christian Vander, la légende la batterie, le fondateur du groupe Magma, tellement Edward Perraud est habité par ce qu’il va jouer, tellement il va porter des coups forts et appuyés, tellement il va vivre avec tout son corps ce moment on ne peut plus intense.

Nous sommes alors dans une fureur à la fois sauvage et maîtrisée, mêlant grands gestes des bras, mimiques, grimaces et mouvements brusques sur le siège.
Chacun dans le public ressent cet engagement total du musicien, ce besoin vital de porter haut et fort une pulsation de braise.

 

Bruno Angelini et Arnault Cuisinier eux mêmes ne manquent pas une miette de ce qui se passe côté cour, eux aussi sidérés, eux qui pourtant connaissent cette fin de concert.

Une unanime standing-ovation saluera cette heure un quart on ne peut plus poignante.

Edward Perraud, le fascinant.
Edward Perraud, le hors du commun !

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