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Marion Rampal en concert à Jazz in Marciac

© Photo Y.P. -

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Marion Rampal, ou quand la fin poétique justifie la grâce des moyens.

Marion Rampal qui s’est posée une question à la fois étonnante et finalement très pertinente : « Qu’est-ce qu’il me resterait à chanter, si c’était bientôt la fin ?»

De cette question que seule une artiste s’intéressant « aux choses qui finissent », comme elle nous le confiera, de cette question, elle en a tiré une réponse à la fois passionnante et lumineuse.
Cette réponse, c’est son dernier album en date, un opus très personnel intitulé Tissé, mêlant de délicieux fils de trame mélodiques à de subtils fils de chaîne poétiques.

Un album qu’elle aurait concocté dans le plus doux et le plus précieux des sergés, sur une île aux chants mêlés, peut-être pas très éloignée des rivages de la Louisiane.
Un satin à la fois délicat et solide, d’une robuste douceur et d’une force toute légère.

Nous, on savait bien avant même la remise du Prix de l’artiste vocale aux Victoires 2022 que Marion Rampal était l’une des chanteuses jazz les plus importantes de l’hexagone.
Elle va nous le prouver une fois de plus en plongeant la salle de l’Astrada dans un véritable état de grâce.

Oui, la grâce !
Ce concert va relever de ce cet état finalement assez rare qu’un public peut ressentir face à des artistes particulièrement inspirés.

Un balancement un peu chaloupé, sur trois temps, inspiré par la musique populaire cajun.
Simon Tailleu à la contrebasse, Raphaël Chassin à la batterie, Pierre-François au piano et Aurélien Naffrichoux à la guitare, bientôt rejoints par Sébastien Llado au trombone nous plongent dans cette douce, tendre et très épurée base harmonique.

Marion Rampal peut poser sa voix, sa poésie sur ces délicates harmonies.
Et quelle voix !

Un timbre clair, une tessiture impressionnante, une technique vocale irréprochable de maîtrise nous plongent dans le plus grand des ravissements.
Ici, pas d’effets à la mode, pas de salissures plus ou moins volontaires, pas de growl malvenu : une impression de pureté domine en permanence.
Mademoiselle Rampal nous embarque dans son monde avec une élégance toute personnelle, elle nous propose un voyage certes peut-être géographique mais un voyage surtout intérieur.

 

L’heure et demie débute logiquement par le premier titre de l’album évoqué un peu plus haut.
A volé.
Comme débuter par la fin, déjà s’envoler avant le commencement, pour mieux nous faire apprécier le moment présent.
Ce premier titre sera à l’image de tout le concert. Le texte ciselé, sensible et poétique, dans lequel chaque mot est pesé, cohabite avec un jazz et un doux swing aux couleurs et aux nuances toutes personnelles.
Nous dégustons comme une gourmandise un peu défendue et qui n’en est donc que plus savoureuse l’appropriation de ce folklore cajun.

 

Tous les titres vont relever d’une remarquable cohérence artistique. Règne en permanence un sentiment de plénitude et de bonheur.
Les musiciens particulièrement investis nous ravissent et fournissent à la chanteuse un bien bel écrin musical.

Le choix du trombone dans l’instrumentation va se révéler être particulièrement réjouissant.
Sébastien Llado va nous proposer dans ses contrepoints très aboutis un contraste sonore tout à fait intéressant, avec un son plus grave que la voix, les deux timbres s’entremêlant de façon passionnante, avec parfois des envolées un peu « sauvages », comme des petits cris, avec ou sans sourdine, avec ou sans bérêt.

Reminder.
Pour se pas oublier « d’où me viennent les chansons, les poèmes ». Parce que la fin de doit pas se passer de souvenirs…

Une chanson de Bob Dylan, Don’t think twice, it’s all right
Une lettre que s’auto-écrivit le poète, après une rupture sans préavis de la part de l’être aimée.
Une valse lente un peu triste, à la fois mélancolique et au fond assez optimiste.
Ce sera l’occasion pour le pianiste Pierre-François Blanchard de nous offrir un magnifique et onirique solo.

Nous écouterons également une chanson écrite « quand j’étais très vieille », à « une heure à laquelle je ne me lève plus maintenant que je suis très jeune ».
L’heure où montent les délicats effluves des beaux et mystérieux jardins.

Après l’île aux chants mêlés, la guitare d’Aurélien Affrichoux devient plus saturée, en osmose avec des vocalises très aigües, très puissantes, le trombone devient plus agressif.
Une progression magnifique nous emmène vers une douce sauvagerie.

Burning, un blues rapide consacré à la fin du monde (la fin, toujours la fin…),

Nous serons priés par la suite d’apporter notre modeste contribution.
Nous tuilerons le bourdon à l’archet de Simon Tailleu, et nous reprendrons le refrain après un studieux apprentissage.

Et puis une vraie question : Où sont passées les roses ?, et Tisser. Le verbe-chanson.
Un solo intense de Raphäel Chassin ravira les spectateurs en général et les amateurs de cymbales et de fûts en particulier.

Deux rappels s’il vous plaît, devant l’enthousiasme du public.
Still a bird, ainsi q’une sublime (oui je pèse cet épithète) version du titre du feu groupe Niagara Pendant que les champs brûlent.

Comment ne pas être subjugué par tant de beauté musicale ?
Un concert qui comptera vraiment, parmi ceux qui ont compté lors de cette 44ème édition de Jazz in Marciac.

La grâce, n'en finis-je pas de vous dire !

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