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Louise Jallu en concert à Jazz in Marciac

© Photo Y.P. -

© Photo Y.P. -

Elle, elle voulait être tango-tango.

Et pour notre plus grand bonheur, Louise Jallu réussit avec son bandonéon à s’approprier le répertoire du maître absolu de cet instrument, je veux bien entendu parler de l’immense Astor Piazzolla.

Oui, il va bel et bien s’agir d’une passionnante et fascinante appropriation de titres connus ou moins célèbres du virtuose argentin. Une démarche destinée à casser une image passéiste et colorer d’une vision à la fois moderne et respectueuse l'œuvre du compositeur.
Ces titres en question figurent sur un réjouissant album, au titre on ne peut plus évocateur : Piazzolla 2021, qui célébrait l’an passé le centenaire de la naissance du compositeur.

Les musiciens entrent progressivement sur le plateau.
Alexandre Perrot s’empare de sa contrebasse à cour, et Grégoire Letouvet s’installe derrière les claviers du piano et du Fender Rhodes.
Non sans avoir au préalable lancé une séquence audio.
Une voix off s’élève. Celle d’Astor Piazolla.
Le violoniste et guitariste Mathias Lévy pénètre à son tour sur le plateau.

Pendant ce temps, Louise Jallu s’installe, et pose son bandonéon sur sa cuisse gauche.

 

Le concert peut commencer, avec Tanguedia, une pièce composée de trois mouvements.
Immédiatement, nous voici saisis par les notes de l’instrument qui inévitablement nous procurent un sentiment de tristesse joyeuse, voire de joie triste.

Mademoiselle Jallu est elle aussi une grande virtuose.
On n’est pas nommée dans la catégorie Révélation aux Victoires du Jazz sans raison.
On n’est pas applaudie à tout rompre à chaque concert par hasard, y compris à Buenos Aires.

La musicienne est véritablement captivante, avec une vraie capacité de relecture de ces titres.
Elle tiendra d’ailleurs à préciser sa démarche : il s’agit de « reprendre des standards pour les amener ailleurs. »
On ne saurait être plus clair !

Entre ses bras, l’instrument semble s’animer, semblable à une jolie chenille noire et rouge, avec des petits points blancs.
La musicienne sait tirer des notes déchirantes de son bandonéon, nous emmenant dans un voyage poétique, comme mélancolique.

A plusieurs reprises, elle citera Piazzolla.
« En Argentine, tout peut changer, sauf le tango. Je me suis mis à le changer, j’ai eu beaucoup de problèmes. Ceux qui viennent m’écouter savent qu’ils viennent écouter une musique nouvelle. »
En ce sens, Louise Jallu poursuit cette démarche, en renouvelant de façon formelle les œuvres choisies, sans pour autant trahir le compositeur.

Elle enchaîne avec Soledad. La solitude.
Le quatuor nous en propose une relecture particulièrement inspirée.
Mathias Lévy se lance dans des contrepoints délicats et subtils, avec parfois des notes un peu stridentes à l’archet, comme pour accentuer le son déchirant du tango.

La rythmique intense et prenante du batteur et du contrebassiste permet une assise relevant d’une réjouissante austérité (et oui, j’assume cet oxymore), permettant à la mélodie de se poser pleinement et intensément.

 

Le bruit de la rue. Sans doute en Argentine. Des aboiements. Des pas. On marche.
Alexandre Perrot cale ses notes graves sur ces pas-là.
Louise a choisi de nous interpréter Buenos Aires Hora Cero, un titre composé en 1971.

Puis, ce sera un solo au bandonéon. Les spectateurs apprécient la virtuosité de Louise Jallu à sa juste valeur. Elle sait faire chanter cet instrument si particulier, vecteur de tant d’émotions.
Elle enchaîne avec Tristezas de un doble A.
Nous sommes suspendus aux sons déchirants de l’instrument.

Adios Nonino, un titre plus ancien suivra, composé en 1959, quelques jours après le décès de son père.
Puis, ce sera Oblivion, une pièce composée en 1984 pour le film Henri IV le roi fou de Marco Bellocchio.
Toujours en off, une petite boîte à musique fait entendre ses sons cristallins. Le monde de l’enfance…

Et puis, comme une évidence, le morceau attendu par tout le monde, Libertango, toujours dans une version on ne peut plus personnelle, Mathias Lévy ayant troqué son violon pour une Stratocaster Fender.
C’est bouleversant !

Louise Jallu n’aura pas le choix : sous les applaudissements nourris des spectateurs tous conquis, elle devra revenir pour un rappel, non sans avoir eu l’élégance de rappeler que le violoniste Mathias Lévy sera une nouvelle fois en concert à l’Astrada le lendemain même, avec un projet personnel.

Los sueños. Une toute dernière incursion dans l’œuvre d’Astor Piazolla.
Louise Jallu sortira de scène on ne peut plus logiquement très applaudie.
Elle a marqué de manière indélébile les esprits, les âmes et les cœurs !

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