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Le bourgeois gentilhomme

© Photot Y.P. -

© Photot Y.P. -

Ca devait bien arriver un jour : lui aussi a donc traversé le Jourdain...
Lui, c'est Jérôme Deschamps, qui connaît bien la maison, puisqu'il l'a dirigée de 2007 à 2015.
Il reprend donc sa version du Bourgeois gentilhomme, créée en juin 2019, au Printemps des Comédiens, à Montpellier.

Mettre en scène ce chef-d'œuvre du grand Poquelin, oui, mais dans sa version première, celle créée le 14 octobre 1670 au château de Chambord, à savoir une comédie-ballet.

Les deux Jean-Baptiste, Molière et Lully, collaborent pour l'avant-dernière fois, dans ce genre que Molière affectionne, mais que le compositeur va très vite délaisser pour l'opéra.
La comédie-ballet, à savoir l'ancêtre de la comédie musicale, nous apprend Marc Minkowski, qui pour cette production, dirige ses Musiciens du Louvre.

MM Deschamps et Minkowski se connaissent bien, pour avoir notamment monté ensemble en 2004 un remarquable et remarqué Enlèvement au Sérail.
Deuxième turquerie commune, donc.

Chacun dans leur partie, ils vont contribuer à nous proposer un exquis et délicieux spectacle.

Ici, pas de gros effets numériques, pas de grosses machineries pyrotechniques ou cinématographiques.
J'ai d'ailleurs pensé, à plusieurs reprises, que ce spectacle ne devait pas être très différent que celui de Chambord...
Ce qui va compter, ici, ce sont les comédiens, les chanteurs et les danseurs. L'humain.

Deschamps, on connaît sa grande maîtrise de la direction d'acteurs.
Grâce notamment à une formidable petite troupe, il parvient à nous livrer une lecture très intéressante de la pièce.

Son Bourgeois, qu'il interprète lui-même, c'est un type seul. Très seul. Qui veut du rêve. Et qu'on lui en vende !
Il en a fait un grand enfant, grognon, boudeur, qui trépigne, qui marmonne, qui boude.
Oui, il y a quelque chose du monde de l'enfance dans cette vision du personnage.
Témoin également sa demeure presque enfantine, qui comporte un petit castelet, une petitte chambre avec des petits rideaux...

Tout autour de lui, le monde des adultes, ceux qui ont perdu cette âme d'enfant, ce monde-là le berne, le gruge et le trompe. Y compris dans le final qui aboutira pourtant à la résolution heureuse de la pièce.

Formidable troupe, donc !

Josiane Stoléru toujours magistrale, campe une épatante Mme Jourdain.
Jean-Claude Bolle Reddat est un maître de philosophie d'une grande drôlerie. En perruque de travers, il est irrésistible.
Vincent Debost, en Covielle et en maître d'armes déclenche des salves de rire. Quelle vis comica, quel allant, quelle énergie !

Un autre double-rôle est interprété par l'excellent et très inspiré Guillaume Laloux.
En maître de danse efféminé, précieux, et en Dorante, infatué au possible, lui aussi déclenche nombre éclats de rire.

Et puis, quel plaisir de retrouver Pauline Tricot, qui fut notamment membre de l'Académie de la Comédie-Française.
Sa Nicole chasseuse de rats et maîtresse de la serpillère est très réussie. Son rire est très communicatif !

Tout ceci est d'une grande cohérence, le reste de la distribution étant à l'avenant.

De grandes scènes burlesques, comme cette "bergerie" comme on disait à l'époque et dans laquelle poules, lapins et fabrication des crêpes sont mis à l'honneur, de grandes scènes burlesques viennent rappeler l'humour "Deschiens"...

On note tout au long de la pièce des petits anachronismes subtils, spirituels qui eux aussi, nous font bien rire.

En ce qui concerne la partie musicale, on sait l'amour que porte Minkowski à Lully.
On sait également son ambition d'enregistrer une intégrale de ses œuvres.

Avec ses Musiciens du Louvre, il nous enchante. Une nouvelle fois. Encore et toujours.
Avec grâce, précision, il nous fait entendre cette musique baroque lumineuse, où le mode mineur peut se révéler joyeux, fantasque ou poétique.

Les musiciens, debout lorsqu'ils jouent, nous font eux aussi remonter le temps. Impossible de ne pas penser que naguère, les mêmes notes ont dû résonner exactement de la même façon.

Sur le plateau, les danseurs et les musiciens complètent la distribution des comédiens.
Les chorégraphies de Nathalie van Parys mélangent des pas baroques et d'autres plus modernes. C'est très réussi.

Les chanteurs eux aussi apportent leur belle pierre à l'édifice.
Avec notamment la basse Jérôme Varnier qui campe un épatant grand Mufti.

Il est à noter un autre anachronisme, musical, cette fois-ci, qui amuse le public.
Une œuvre interprétée n'est pas de Lully. Là encore, je vous laisse découvrir par vous-mêmes.

Je me garderai bien d'oublier de mentionner les très beaux costumes de Vanessa Saninno, une autre habituée de la maison. Les costumes « turcs » sont somptueux ! Je donnerais cher pour essayer le chapeau du grand Mamamouchi.

Vous l'aurez compris, ce délicieux spectacle est à déguster sans modération.
Venez donc à l'Opéra-Comique remonter le temps, venez vous replonger dans cette œuvre du grand Molière, qui n'est pas si souvent donnée dans sa version comédie-ballet.

Le duo Deschamps-Minkowski vous permettra de redécouvrir ce chef-d'œuvre classique.
Ce fut mon cas.

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