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Evila

© Photo Y.P. -

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Et 1, et 2, et 3, Tilloy !

En trois temps et beaucoup de très beaux mouvements, la jeune chorégraphe Joséphine Tilloy proposait hier dans le cadre du festival Essonne-Danse, au Silo de Méréville, sa nouvelle création Evila.

Evila, comme le second volet d’un dyptique débuté avec la pièce chorégraphie Rosalie, dont je vous avais écrit le plus grand bien ici même, en novembre 2019.

Avec cette fascinante et remarquable pièce chorégraphique (et oui, j’ai pesé les deux précédents épithètes), Mademoiselle Tilloy poursuit avec la cohérence et les parti-pris affirmés qui sont les siens son travail sur la sexualisation des corps.

Au fond, Evila, c’est une exposition ternaire de la perception sociétale du corps féminin, des attendus de nos mondes que l’on dits modernes du corps de la femme, à l’émancipation et à la transformation de ce corps face à cette demande quasi-patriarcale.

Le début de l’œuvre est à ce sujet on ne peut plus explicite.
Les trois danseuses, Ghislaine Louveau, Léa Mécili, déjà à l’affiche de Rosalie, rejointes par Camille Da Silva, ces trois danseuses qui nous attendent en file indienne au lointain, ce sont finalement trois bonnes petites soldates qui ont été formatées par des années de domination plus ou moins acceptées.
Les petits saluts militaires de Melle Mécili sont à ce sujet on ne peut plus explicites.

Trois danseuses. Les trois Grâces ? Les trois Parques, maîtresses de la destinée humaine, de la naissance à la mort ?
Trois femmes qui vont s’affranchir de tout stéréotype.

Sur le plateau, tout va s’organiser autour d’un cercle-miroir au sol, autour des formes arrondies, des sphères et du mouvement lancinant et passionnant de la composition musicale de Hugues L.
Durant cette heure, vont régner en permanence une pulsation et un rythme ternaires.
Comme une lancinante boucle, comme une mélopée propice à la transe.
Avec également l’une des plus célèbres valses-tourbillons-maëlstroms, celle de Chostakovitch, la n°2 pour être tout à fait précis.

Une transe dont les derviches tourneurs seraient les trois jeunes femmes, qui ne vont ménager ni leur énergie, ni leur vocabulaire et grammaire chorégraphique personnels.

Dans le premier des trois actes, nous sont transcrits ces archétypes et stéréotypes corporels, inspirés par ceux remarqués par la chorégraphe et ses interprètes lors de leur enfance et adolescence.

Autour de ce miroir circulaire, les corps bougent de façon précise et fluide, certes, mais de façon plutôt « académique » selon des normes attendues.
Une progression particulièrement intéressante est mise en œuvre : nous ressentons bien, nous autres spectateurs, le besoin de faire bouger les lignes de ce qu’on attendait d’elles.

Heureusement, l’émancipation va survenir.
Emancipation matérialisée par ces boules de gélatine qui sont extirpées de leur bocal, déversées sur la scène puis impitoyablement écrasées.

Dans une deuxième partie d’une beauté sidérante, nous allons assister à la transformation de ces corps.
Des corps qui seront mis à nu, de façon toute naturelle et assumée, de manière à mieux renaître selon leur propre volonté. La séquence est admirable.
Les danseuses qui se sont visuellement et subtilement transformées prennent alors leur indépendance, vis à vis l’une des autres, pour que leur personnage puisse mieux vivre sa vie propre. Sans diktat. Sans pression externe. En toute autonomie, en toute indépendance.

© Photo Y.P. -

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Et puis le troisième acte, qui m’a littéralement subjugué va clôturer le spectacle.
Mesdemoiselles Louveau, Mécili et Da Silva vont unir leurs trois corps pour incarner une sorte de nouvelle créature.
Il y aura une dimension très corallienne dans tout ça : nous allons comprendre le pourquoi de ce camaïeu visuel orangé, saumon, pourpre, rouge.

Au milieu du plateau, les trois corps fusionnent pour devenir cette espèce de corail étrange, un être sauvage et indépendant qui évolue selon ses propres règles choisies.
Le chorégraphie devient alors collective, générant des images d’une beauté formelle sidérante.

C’est magnifique ! Un langage certes chorégraphique mais également poétique est alors mis en œuvre.
Il est alors impossible de ne pas écarquiller les yeux, de ne pas retenir son souffle devant la grâce de ce tableau.

Les corps libérés peuvent alors exister à la fois par eux-mêmes, tout en pouvant se réclamer du plus intègre des vivre-ensemble.
Trois unités qui forment un tout rassemblé.

Les trois artistes, bientôt rejointes par leur chorégraphe seront ovationnées par le public.
En terme de réussite, ce spectacle est de ceux qui allient le fond et la forme.
Ou quand la chorégraphie et la danse sont au service d’un propos social et politique au sens noble du terme.

© Photo Y.P. -

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