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Mortelle randonnée en concert à l'Astrada - Jazz in Marciac

© Photo Y.P. -

© Photo Y.P. -

Mortel, le concert !

Mortelle randonnée. Film de Claude Miller. 1983.
Mortelle randonnée : le groupe de quatre musiciens du collectif toulousain Freddy Morezon.

Le point commun des deux lignes ci-dessus : Carla Bley.
L’immense pianiste et compositrice américaine a en effet composé la musique du film, et c’est une partie de son répertoire que revisite le groupe au nom éponyme pour un concert à la fois réjouissant et passionnant à l’Astrada.

Oui, il est réjouissant de constater que de jeunes musiciens de jazz s’emparent d’œuvres de Miss Bley, un répertoire exigeant, et surtout, surtout, l’accommodent à leur propre sauce pour en faire un moment musical ô combien intéressant.
Toutes les œuvres des grands compositeurs, des grandes compositrices sont faites pour être passées « à la moulinette » d’une relecture potentielle, à condition bien entendu que l’esprit des œuvres en question soit respecté.

Ici, c’est le cas. Vraiment.

L’appropriation que font Sébastien Cirotteau, Benjamin Glibert, Andy Lévêque et Clem Thomas du travail de Carla Bley est passionnante parce qu’ils partent du jazz, parfois, souvent même du free jazz, pour aller dans des directions parfois étonnantes, à la limite du rock psychédélique, de la musique concrète et itérative, sans oublier la musique pop, également.
La démarche n’est pas si courante que cela et mérite d’être saluée.
Ce travail de réinterprétation a pu être mené grâce à une résidence ici même, au mois de mars, dans cette magnifique salle de l’Astrada.
Ils auront l’élégance de le rappeler.

Ce parti-pris se traduit notamment dans une instrumentation assez originale et épatante, mêlant la batterie, guitare, basse électrique à des instruments tels que l’orgue Crumar Mojo (au son très années 70, un peu aigrelet), le synthétiseur, la trompette, le saxophone alto, et puis d’autres plus surprenants : des appeaux, une flûte à bec, un tuba, un glockenspiel, ou encore un ukulélé.

Tout ceci va produire une prestation festive, joyeuse, où les quatre compères s’amusent beaucoup.
Un concert qui génère une formidable énergie, une magnifique et palpable envie de jouer, de prendre à bras le corps ce répertoire exigeant.

Tout commence avec MM1.
Les quatre nous rappellent le caractère souvent itératif de l’inspiration de l’égérie de ce projet, à savoir l’utilisation d’ostinati, des motifs répétitifs qu’ils vont parfois accélérer progressivement.
Nous sommes plongés dans l’ambiance des années 70-80, avec ce son d’orgue très « Farfisa » caractéristique de ces années.

La chanson des oiseaux drôles, parue originellement sur le deuxième album de Carla Bley en 1974 (Funny Bird song) a été dotée de paroles en français, et nous est proposé un moment on ne peut plus festif, joyeux avec un arrangement très dansant, presque un « twist psychédélique ».

Sébastien Cirotteau et Andy Lévêque prennent une voix de tête complètement assumée, et Clem Thomas s’empare d’un ukulélé pour renforcer la partie harmonique, le pied toujours sur le kick de la grosse caisse.
Tout ceci est passionnant, vous-dis-je !

Nous allons rester dans l’univers « bleyien » ou « bleyesque », au choix, puisque le troisième titre sera un morceau écrit par la propre fille de Carla Bley, Karen Mantler, Tortles, un titre paru en 2000 paru sur l’album Karen Mantler’s Pets Project, que le quatuor de cette après-midi a transformé en « Tortues ».
Nous comprenons tout le travail en matière d’arrangements exigeants réalisé par les quatre musiciens, il se passe toujours quelque chose de particulier et d'original sur le plateau.
Un son de synthétiseur très « onde carrée », « lead square » vient interpréter un thème riche et délicat.

Les titres suivants, Anatole, Volcano, J’aime pas, nous confirment le début de concert : nous restons dans cette démesure totalement maîtrisée, cette sorte de joie communicative permanente.
Des cassures rythmiques épatantes (on est vraiment dans la démarche artistique de Carla Bley), des breaks saisissants nous réjouissent : les quatre sont des musiciens très talentueux, c’est une évidence, mais il faut les dire et les redire, ces évidences !

Les instruments peuvent être utilisés également pour produire des sons étranges, des battements de cœur ou des vibrations intenses, (comme le fait de retourner la guitare électrique contre l’amplificateur). L’hommage est là-encore patent.

En parlant d’hommage... 440, un hommage au La, cette note qui vibre à 440 herz et qui sert à s’accorder.
Là encore des notes itératives, un rythme appuyé. Tout ceci est à nouveau très cohérent.

Nous aurons également des mesures qui se complexifient, commen dans Ondulation ou MM3, avec des instants rappelant un vinyle qui serait rayé, générant des cellules rythmiques un peu aléatoires.
C’est saisissant, et demande un grand savoir-faire instrumental et rythmique.

Un rappel. Ce sera Une chanson triste. Comme un dernier pied de nez.

Le groupe Mortelle randonnée sera beaucoup applaudi par les spectateurs qui ont compris toute la pertinence et la réussite artistique de ce projet.
Ils sont assez rares, finalement, ces concerts entiers qui revisitent une œuvre à la fois de façon originale, pertinente, en imprimant un caractère tout à fait personnel au propos.
Le tout pour en faire un moment festif, joyeux, jamais ennuyeux et toujours passionnant.

Une incontestable et totale réussite artistique !

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