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Sylvain Rifflet en concert au Saveurs Jazz festival de Segré en Anjou bleu

© Photo Y.P. -

© Photo Y.P. -

Attention, convoi d’anges heureux !

Ces anges, ce sont ceux qu’évoque Sylvain Rifflet dans son dernier album, intitulé justement «Aux anges », dont il est venu présenter les principaux morceaux au Saveurs jazz festival de Segré en Anjou bleu.

Ces anges, ce sont tous celles et ceux qui depuis toujours sont pour lui source d’inspiration, et lui permettent de se projeter dans son jazz à la fois exigeant, sans concession et toujours passionnant.
Des grands aînés comme Stan Getz, Abbey Lincoln ou en encore le compositeur américain pionnier de la musique minimaliste Steve Reich.

On conviendra qu’en matière de références culturelles et musicales, on peut difficilement faire mieux.

 


Sylvain Rifflet est l’un de nos plus importants saxophonistes ténor. Je l'écris comme je le pense !
Lauréat du prix de groupe au Concours National de la Défense, Django D’or dans la catégorie nouveau talent, Victoire du jazz 2016 pour le Meilleur album, on l’a vu et entendu aux côtés de nombreux et importants musiciens tels que Michel Portal, Ricardo Del Fra, François Jeanneau, Fred Pallem et son Sacre du tympan, ou encore au sein de l’Orchestre National de Jazz.

A ses côtés, sur la scène de la marmite du Parc de Bourg Chevreau, trois compères avec qui il va former un quatuor on ne peut plus original et intéressant.
Yoan Loustalot est à la trompette, Philippe Giordani à la guitare et Nicolas Larmignat est à la batterie.

C’est d’ailleurs ce dernier qui ouvre le bal, pour ce premier titre intitulé sobrement et explicitement Abbey.
Avec un ostinato aux percussions électroniques Alesis.
Des sons métalliques itératifs, éthérés, qui posent une ambiance et un climat presque mystérieux.
Il est rejoint par la trompette et le saxo du patron, qui jouent ensemble un magnifique thème lancinant un peu plaintif, comme une complainte onirique, le tout bientôt appuyé et souligné par une guitare saturée.

Immédiatement les spectateurs restés pour la plupart à l’ombre sont saisis par ce jazz intransigeant ô combien intéressant, qui vous embarque pour un véritable voyage intérieur.
Sylvain Rifflet, celui qui déclenche une sorte d’introspection individuelle (oui j’assume ce pléonasme), tellement les images que provoque sa musique sont personnelles à chacun de ceux qui l’écoutent.
Son jazz est de ceux, assez rares, finalement, qui forcent à entamer ce voyage-là.

Les quatre musiciens nous démontrent tout leur savoir-faire et leur savoir-jouer.
Une magnifique cohésion, une pâte sonore toujours fascinante règnent dans ces pièces exigeantes, je me répète, mais toujours saisissantes et passionnantes.
Nous sommes en présence d’un grand quatuor, dans lequel les membres ne cherchent à jamais la virtuosité pour la virtuosité. Bien au contraire, ces lignes mélodiques et harmoniques compliquées sont toujours au service d’un discours musical d’un grand lyrisme et d’une grande sensibilité.

Rifflet l’expérimentateur, également.
Le saxophoniste n’hésite pas à utiliser toutes sortes d’effets, tels que la réverb, la sustain, ou encore un looper qui lui permettent de colorer ses mélodies d’espaces sonores un peu étranges, des mélodies qui se perdent dans un éther hypnotique.

Derrière lui, sur une petite table, un curieux objet, que je n’avais jamais rencontré sur une scène jazz : un shruti-box, cet instrument indien à anche libre dans lequel un soufflet permet d’envoyer de l’air.
Le musicien a bidouillé le tout, de façon à ce qu’une pédale lui permette de déclencher le mécanisme, créant un curieux sentiment : le shruti-box semble jouer de lui-même.
Ce faisant, l’instrument délivre des bourdons intenses et graves, sur lesquels les quatre instrumentistes peuvent s’appuyer.

On retrouve évidemment avec ces ostinati et ces bourdons les influences du compositeur Steve Reich évoqué un peu plus haut.

Le concert se poursuit avec les architectures sonores de morceaux comme To Z (Z, en référence au film éponyme de Costa Cavras), ou encore Le murmure, extrait d’un album précédent, Toubadours , dans lequel il puisait son inspiration dans la musique médiévale profane. Un album
Rifflet, celui qui brouille les pistes, Rifflet celui qu’on retrouve là où l’on ne l’attend pas.

 

En tout cas, l’héritage de Stan Getz est bien présent : le souffle dont il colore le son de ce qu’il joue est là pour le prouver. Et moi de repenser à cet autre album intense, Re Focus, hommage au grand aîné.

Et puis vient la dernière pièce, à la clarinette.
Na (de Casteldoza), hommage à la célèbre trobairitz auvergnate. (Trobairitz étant comme il nous l’expliquera le féminin de troubadour.)
Le titre va plonger les spectateurs dans le plus grand des ravissements.


Le saxophoniste devenu clarinettiste entame un long ostinato, suave et onctueux, comme une vague imperceptible sur une mer presque d’huile.
Le son feutré de l’instrument vous procure alors bien des frissons.
Sur cette ligne musicale, les trois autres musiciens viennent développer thème et variations, pour un magnifique et envoûtant morceau.

Dès la dernière note envolée, les quatre musiciens seront très longuement applaudis. Ce n’est évidemment que justice.
Sylvain Rifflet, l’un des de nos plus importants musiciens de jazz, vous dis-je !

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