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Richard Bona, Alfredo Rodriguez et Michael Olivera au festival Saveurs et jazz

© Photo Y.P. -

© Photo Y.P. -

Comme il aurait été dommage que ces deux-là ne puissent pas se rencontrer !

 

Ou quand deux immenses musiciens, le bassiste d’origine camerounaise Richard Bona et le pianiste cubain Alfredo Rodriguez démontrent s’il en était encore besoin combien la musique en général et le jazz en particulier peuvent rapprocher les hommes, les âmes et les cœurs.

Deux virtuoses, tous les deux nommés aux Grammy Awards, avec pour mentor commun un certain Quincy Jones.

On comprend bien comment le rapprochement musical a été possible.

Hier soir, au festival Saveurs et Jazz de Segré en Anjou bleu, rejoints pour cette tournée par le batteur Michael Olivera, ces deux là ont enflammé et galvanisé les spectateurs qui ont eu beaucoup de mal à rester sur leur chaise, tellement les rythmes afro-cubains étaient puissants et envoûtants.

Nous avons immédiatement compris.
Le premier titre interprété, caractéristique de la musique cubaine, au groove puissant et chaloupé cueille d’emblée le public.
Je défie quiconque de ne pas ressentir au bout de trois secondes l’envie de bouger, de remuer, de danser en écoutant l’assise de la basse de Richard Bona et la pulsation de braise de Michael Oliveira.
Les deux impulsent un groove sud-américain impressionnant, profond, au fond du temps, sur ce rythme caractéristique.

Sur cette base, Alfredo Rodriguez va pouvoir nous enchanter comme à chaque fois par sa sidérante et merveilleuse virtuosité technique, toujours au service du plus grand lyrisme.


Lui qui est un pur produit de la magnifique école pianistique cubaine, lui va nous faire partager ses inspirations : la technique sud-américaine caractéristique, avec des accords plaqués sur les temps et leurs divisions, l’empreinte des doigts ne variant que très peu (beaucoup plus facile à dire qu’à faire…) et ses inspirations classiques.


El Senor Rodriguez a étudié Debussy, c’est évident. Les longues et délicates envolées sur le clavier, telles de frais et impétueux ruisseaux de notes, montrent clairement l’importance qu’a pu avoir la musique classique et notamment ce compositeur dans sa formation.

Richard Bona entame son premier solo.
Et quel solo !
Arc-bouté sur ses deux jambes, la basse à cinq cordes semblant faire corps avec le musicien, Mister Bona lui est aussi est véritablement impressionnant.
Le bassiste joue beaucoup de notes à la seconde certes, mais toujours au service de la plus grande sensibilité.

L'incroyable impression d’aisance ne doit pas faire oublier l’immense technique là-aussi mise en jeu. Le slap, les walking-bass, les démanchés, le jeu dans les aigus sont hallucinants de précision, le tout au service d’un groove de braise.
Lui, pas besoin d’être grand sorcier pour mesurer l’influence qu’a pu avoir Le très regretté Jaco Pastorius.

© Photo Y.P. -



L’entente et la cohésion entre les « tres compadres » est parfaite, caractérisée par des nuances magnifiques, des ruptures et des changements de rythmes, des breaks saisissants qui ravissent les aficionados du public.
Aux drums, Michael Olivera n’est pas pour rien dans toutes ces subtilités musicales, lui qui joue parfois subtilement à la limite de l’audible sur sa charleston, ou de façon beaucoup plus musclée, comme lors de son solo dans lequel il dépense une énergie folle, notamment avec ses frappes sur les toms façon « timbalès ».


Tous les titres interprétés relèveront de cette évidente complicité musicale. De plus, on sent combien les trois s’amusent sur scène !

Richard Bona chante, également.
De sa voix suave, féline, dans une tessiture à la limite du haute-contre, il interprète les textes de sa composition, avec là encore beaucoup de lyrisme et de sensibilité.

C’est dans ces moments que s’exprime tout le mélange musical mis en jeu sur cette tournée. Deux pays, deux continents, deux styles qui viennent fusionner pour notre plus grand plaisir.

Le bassiste est également un sacré comédien, doté d’un humour ravageur !
Avec sa façon de présenter ses deux complices, de les provoquer gentiment (« ils ne parlent pas français, je peux dire ce que je veux…), avec sa manière de « charrier », de taquiner les spectateurs (« Après New-York, Londes, voici Segré, c’est magnifique... », Richard Bona est parfois à la limite du plus drôle des one-man-shows.

Il va nous interpréter une hilarante « chanson française » de sa composition, avec des paroles volontairement on ne peut plus tartignoles. Il est alors drôlissime !
Il nous fera chanter, si si, avec notamment le célèbre Guantanamera, dans lequel il entreprendra de mettre en valeur « les femmes de plus de quarante ans de Segré... »

Le concert se poursuit avec notamment un titre qui n’est pas sans rappeler le concerto d’Aranjuez, avec une grille musicale caractéristique et d’une tristesse un peu nostalgique.
Un autre morceau cubain, Bilongo, nous prend aux tripes.
Une composition d’Alfredo Rodriguez est bouleversante de beauté, avec un doublé voix du pianiste et basse sur une même ligne mélodique.
C’est magnifique.

Pour le rappel, Richard Bona va nous interpréter la chanson Alfonsina y el mar, qui rappelle la triste fin à Mar del Plata de la poétesse Alfonsina Storni Martigoni, qui choisit de confier son corps à cette mer qu’elle célébra dans toute son œuvre.
Dans le public, on entend les moustiques voler, tellement cette interprétation est bouleversante.

Une standing ovation sera réservée au magnifique trio.
Quoi de plus normal et naturel.
Durant ces deux heures merveilleuses, les segréens et segréennes présents devant la scène du parc de Bourg Chevreau et votre serviteur ont eu le sentiment de vivre un moment intense et rare.

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