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Erreurs salvatrices

© Photo Y.P. -

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Alors, fileuse ?

La fileuse, c’est cet agrès imaginé et développé par l’artiste de cirque Cécile Mont-Raynaud. Un agrès comportant un mât central auquel sont fixés trois rideaux circulaires de fils.


La fileuse autour de laquelle Wilfried Wendling a conçu une fascinante expérience immersive et artistique, qui durant trois séquences de cinquante-cinq minutes va nous désorienter, nous chambouler, nous plonger dans une folie de mots, de sons, d’images, de machines électroniques en tous genres, de lumières, et ce, pour notre plus grand plaisir.

© Christophe Raynaud de Lage

Avec deux humains au milieu de ce monde étrange et onirique.
Qui vont nous livrer une vraie performance. Dans tous les sens du terme.

Un circassien, Alavaro Valdes Soto, va se mouvoir dans cette multitude de fils, se hissant, se déplaçant à la force de ses bras dans cette étrange trame, se tordant, se retrouvant à l’envers, défiant la verticalité et les lois de la pesanteur.

 

Un comédien, et pas n’importe lequel.
Denis Lavant.
Un fou merveilleux, capable de relever tous les défis artistiques, nous embarquant à chaque fois de manière unique et merveilleuse dans son monde, dans ses délires, dans ses visions.

Wilfried Wendling, le patron de La Muse en Circuit, le Centre national de création musicale, est un compositeur contemporain formé notamment auprès de Georges Aperghis.
Féru de nouvelles technologies, ses instruments de prédilection sont avant tout l’ordinateur et les synthétiseurs.

 

Ici, il a composé un triptyque dans lequel la musique concrète est l’un des éléments clefs, certes, mais qui va être une partie d’un tout.
Cette expérience immersive est en effet un savant et passionnant assemblage de différents composants.

Comme pour nous faire rêver. Un rêve étrange et sensoriel.

Tout d’abord, nous allons entendre des sons étranges, mystérieux, des bruits blancs, roses, plus ou moins colorés, des agrégats sonores et amplifiés, des clusters bizarres.
Le compositeur n’est pas à la baguette, mais à la tablette.

C’est en effet grâce à cet outil numérique qu’il communique avec le progiciel musical MAX/Msp d’un ordinateur, ce qui lui permet de mettre en forme, de triturer et d’envoyer dans le système d’amplification tous ces sons et ces séquences musicales.

Ce mélange d’enregistrement et de live permet de diffuser une composition contemporaine foisonnante, organique, viscérale, parfois rude, agressive, oppressante, parfois mystérieuse, parfois éthérée, toujours passionnante. Une œuvre soumise au hasard de ses différents composants.

Des lumières vives, des projecteurs asservis, des flashes aveuglants, des projections video saturées, en noir et blanc, permettent de souligner cette composition, de l’illustrer, d’associer les sens de l’ouïe et de la vue.

Des machines électroniques, créés par Grégory Joubert sont là également, qui nous étonnent et nous sidèrent, sortes de créatures de métal en mouvement, mystérieuses et déroutantes.
Lui aussi est musicien, lui aussi utilise toutes sortes d’instruments électroniques.

 

© Christophe Raynaud de Lage


Et puis M. Lavant, donc…

Qui nous accueille tout d’abord grâce à une séquence video…
« Dieu n’est ni homme, ni femme. C’est un virus », nous assène-t-il…

Et puis le voici, les cheveux en bataille, chemise blanche aux manches retroussées.

Il va dire les mots. Ceux de textes non dramatiques de Heiner Müller : Paysage sous surveillance, Avis de décès, Paysage avec Argonautes, mais aussi des récits de rêve, et des textes poétiques qui pourraient ressembler à une autobiographie.
Un corpus mettant en évidence l’esthétique de l’œuvre de l’auteur allemand.

Le comédien va s’en donner à cœur joie.
Formé à l’école du mime et du cirque, il est véritablement dans son élément.

Lui aussi va pénétrer dans les cercles de fils, s’en affubler d’un en guise de bandeau.
Il va inter-agir avec le circassien, le portant même sur son dos.

Et puis il va courir, gesticuler, tomber, se relever, ramper sous l’agrès, il va danser, sauter, ne tenant pas en place.
Il va s'asseoir, devant une antique machine à écrire...

 

© Christophe Raynaud de Lage


Mais surtout, de sa voix rocailleuse, reconnaissable entre toutes, il va se lancer dans de véritables imprécations, hurlant par moments, susurrant, passant par tous les registres et les intensités de son timbre si particulier.
Il nous étonne, nous passionne, nous émerveille en permanence, ne nous laissant pas un seul moment de répit.
Il nous embarque véritablement dans un univers étrange et merveilleux.

Ce spectacle fascinant est de ceux qui interpellent, qui plongent les spectateurs dans un état de sidération permanente, d’étonnement et de ravissement.

 

© Christophe Raynaud de Lage

 

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