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Le roi des pâquerettes

© Photo Y.P. -

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Un manche pour traverser la Manche !

Oui, mais pas n’importe quel manche…
Le manche à balai du Blériot XI, avec à son bord l’inventeur-pilote éponyme, envolé en ce matin du 25 juillet 1909 du hameau des Baraques, près de Calais, puis atterrissant trente-cinq kilomètres plus loin, à savoir dans les environs de Douvres, au-delà du Chanel...

Un Louis Blériot surnommé par l’opinion publique « Le roi des pâquerettes », pour avoir, avant cet exploit, cassé pas mal de bois au contact de la terre ferme…

C’est cette nuit et ce début du jour que nous racontent Bérangère Gallot et Sophie Nicollas, dans cette pièce passionnante. (Et je n’utilise pas seulement cet épithète « passionnante » en raison de mon brevet personnel de pilote…)

Passionnante d’un premier point de vue dramaturgique, car les deux autrices ont réussi à nous mettre en mots et en images deux moments très particuliers.
La nuit précédant l’exploit. Et l’exploit en lui-même.

Dans la première partie, un parti-pris très judicieux va nous permettre de parfaitement comprendre les tenants et les aboutissants de cette incroyable traversée, avec en particulier le contexte dans lequel Blériot se trouve, que ce soit la dimension humaine, technique ou encore familiale de ce contexte-là.

Ce procédé dramaturgique consistera à mettre en scène différents scènes et dialogues entre les personnages.
Blériot, bien entendu, mais également son épouse Alicia, ou encore Ferdinand Colin, son mécanicien, Hubert Latham, le grand concurrent et Charles Fontaine, un journaliste.

Grâce à des dialogues épatants et très pertinents, nous comprenons aisément ce qui s’est joué, avant cette nuit, et tout les ressorts qui vont aboutir à cette glorieuse aube du 25 juillet.
Coup de chapeau également pour nombre de détails techniques très précis, qui démontrent combien Melles Gallot et Nicollas maîtrisent leur sujet.

Dans la seconde partie, tous les comédiens raconteront, et de quelle façon, l’exploit en lui-même.
Blériot a revêtu sa combinaison bleue et ses lunettes d’aviateur, Fontaine a son drapeau tricolore, Alicia tremble pour son mari en vol, Ferdinand Colin s’inquiète pour le moteur de l’ingénieur Anziani, et le play-boy-pilote Hubert Latham s’en veut terriblement de ne pas s’être réveillé assez tôt.

Tout ceci fonctionne à la perfection.

Bien entendu, ces mots ne serviraient pas à grand-chose sans les comédiens et leur metteur en scène.

Le patron des lieux, Benoît Lavigne, à son habitude, signe une mise en scène très alerte, sans temps morts, avec un art consommé du placement des corps dans un espace clos.
Il dirige ce quintet de comédiens avec une vraie précision et des choix judicieux.

Cinq comédiens qui vont nous prouver une nouvelle fois leur grand talent.
Cinq comédiens que l’on connaît bien pour les avoir déjà pratiquement tous applaudis, notamment dans la pièce Et si on ne se mentait plus .

Maxence Gaillard réussit à nous montrer un Blériot à la fois exalté, conquérant, mais également en proie au doute et au désespoir, à deux doigts de renoncer.
Les deux versants du personnage sont aussi crédibles l’un que l’autre. La progression, subtile, est d’une totale justesse.
Tout comme la narration du célébrissime vol. Je n’en dis pas plus.

Lauriane Lacaze est une formidable Alicia Blériot.
La comédienne fait sienne la fameuse maxime « Derrière chaque homme célèbre se cache une femme ».
Melle Lacaze nous dépeint parfaitement cette femme admiratrice de son mari, quitte à le bousculer en le poussant dans ses derniers retranchements. (Ne manquez surtout pas son regard, lorsqu’elle nous dit suivre des yeux son mari en vol.)

Mathieu Rannou nous fait beaucoup rire, en journaliste tel qu’on espère n’en plus rencontrer…
Ses entrées répétées, ses ruptures, son côté un peu Bouzin chez Feydeau, tout ceci ravit les spectateurs.

Ferdinand Colin, le mécano, est interprété de bien belle manière par Guillaume d’Harcourt, qui avec fougue et maestria campe ce passionné, sans qui « le patron » ne serait rien.
J’ai été totalement séduit par sa composition d’un type un peu bourru, au grand cœur, victime d’une certaine ingratitude. (Là encore, je me garderai bien d’aller plus avant…)

Et puis last but not least, Emmanuel Gaury nous joue le concurrent play-boy avec beaucoup d’engagement et de passion.
Sa première adresse au public est particulièrement réussie.
Sa scène dans la jungle (si si…) est d’une drôlerie éprouvée. On en redemanderait presque !

Je ne voudrais pas manquer de saluer la belle scénographie d’Angéline Croissant et les costumes très réussis de Virginie H.
Et puis à la création sonore, Michel Winogradoff nous permet de nous souvenir du célèbre tube de Georgel « Dans mon aéroplane ».

Voici donc un spectacle des plus réussis, qui revient de façon épatante sur un exploit du début du siècle dernier, et qui nous rappelle au passage combien nous sommes redevables à cet homme.
Un pionnier visionnaire. Louis Blériot.

Venez donc vous aussi au Lucernaire vous envoler dans un ciel qui ne sera peut-être pas le septième, mais qui vous procurera néanmoins bien des émotions.

© Photo Y.P. -

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