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Madame Butterfly

Madame Butterfly

Un quart de siècle !
Voici vingt-cinq ans déjà qu'à l'Opéra Bastille, sous la houlette de Robert Wilson, Cio-Cio-San alias Madame Butterfly avait rendez-vous pour la première fois avec le Jigaï, par lequel elle se donne la mort.


La jeune femme de dix-huit ans abandonnée par son Pinkerton d'américain et traître mari se suicidera, afin que celui-ci puisse assurer un avenir meilleur à leur fils.


Puccini et ses librettistes Luigi Illica et Guiseppe Giacosa avaient puisé leur inspiration d'après une pièce de John Luther Long, qui lui même avait puisé dans un texte de Pierre Loti, Madame Chrysanthème, rédigé suite à un périple au pays du Soleil Levant.


Cette mise en scène qualifié à juste titre d'historique, n'a pas pris une seule ride !
Nous retrouvons, pour les plus anciens spectateurs, l'épure, le minimalisme, le symbolisme du grand Bob.


Cette version de l'un des chefs d'œuvre pucciniens aura tout du théâtre de Nô japonais.
Le metteur en scène est un amoureux de cette forme artistique, et ici, force est de constater que la musique du compositeur prend toute sa place, sans le « parasitage » de décors, d'accessoires, de costumes sophistiqués ou de déplacements et scénographies alambiqués.

La musique. La voix. Et le geste sublimé.

 

Le jeune chef italien Giacomo Sagripanti parvient admirablement à faire de l'orchestre de la maison l'un des personnages principaux du drame.
Sa direction révèle tout le lyrisme et l'ampleur de la partition, avec une grande maîtrise des contrastes et des nuances.


Au lointain, le célèbre large écran opaque laissant passer de grands à-plats lumineux, aux couleurs plus ou moins pastel, plus ou moins vives, selon les moments.
La technologie des projecteurs asservis à LED est passée par là, et les transitions colorées, la variété des teintes sont bien plus sophistiquées.

Le plateau est nu. Une maison, symbolisée par un carré en bois, sans aucun mur, avec un chemin pierreux qui serpente. Une chaise japonaise sera parfois apportée. Ce sera tout.
Là encore, le minimalisme.

Devant l'écran, sur la scène pratiquement vide, évoluent les chanteurs.

Chacun est caractérisé par un costume blanc ou noir, et surtout une gestuelle individualisée.
La chorégraphe japonaise Suzushi Hanayagi a mis en valeur tous ces gestes simples mais précis, ô combien signifiants. Le langage du corps en dit tout autant que les mots et les notes.
Une main levée un très court instant nous en dit énormément.

Madame Butterfly, c'est Dinara Alieva.
La soprano azerbaïdjanaise va envoûter littéralement la salle, qui lui réservera une somptueuse ovation, dès lors qu'elle reviendra saluer seule au premier relevé de rideau.
Son célèbre air « Un bel di vedremo » sera largement et longuement applaudi immédiatement après son interprétation.
La chanteuse m'a ravi par son timbre, sa puissance et ses nuances (les pianissimi me faisaient frissonner...), ainsi que par sa capacité à interpréter d'un point de vue corporel son personnage. Dans ce registre épuré japonais, la voix ne prend pas le dessus sur le geste, les deux sont totalement complémentaires.

Le ténor ukrainien Dmytro Popov est un très honnête Pinkerton, peut-être un peu trop concentré sur sa gestuelle.

Une nouvelle fois, Laurent Naouri m'a enchanté.
Le baryton donne au consul américain Sharpless est une vraie épaisseur, une vraie dimension.
Lui aussi sera énormément applaudi, ayant ravi les spectateurs.

Et puis il me faut mentionner également la très belle interprétation de la servante Suzuki, par la mezzo Eve-Maud Hubaux, qui parvient parfaitement à faire exister son personnage, notamment lors du duo avec Cio-Cio-San. L'équilibre des deux voix est alors parfait.

Coup de chapeau également au ténor Rodolphe Briand, qui campe un très drôle entremetteur Goro.

On l'aura compris, cette nouvelle distribution sert totalement et de bien belle manière la mise en scène de Robert Wilson.
Les jeunes amateurs de musique lyrique découvraient une vraie vision dramaturgique et scénographique, les plus anciens, dont votre serviteur, étaient ravis de se retrouver en pays (asiatique) de connaissance.

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