Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Bohème, notre jeunesse

(c) Photo Y.P. -

(c) Photo Y.P. -

On l'appelle toujours Mimi, mais son vrai nom est toujours Lucie. Et que toujours simple est sa vie...
Oui, sauf que...


On aura compris que rien ne change sous le soleil parisien, à part l'excellente idée de départ de cette dernière production de la saison 17-18 de l'Opéra-Comique : présenter une forme allégée de l'opéra de Giacomo Puccini, resserrée sur l'intimité des personnages et leur difficile condition de jeunes artistes dans une capitale en pleine mutation.
Lourde gageure !


Créée en France en 1898 ici-même salle Favart, la Bohème a été jouée jusqu'à hier 1522 fois en Français et 13 fois seulement en Italien.
113 sopranos et 80 ténors s'y sont relayés. Puccini était d'ailleurs un habitué de cette salle.


Alors, une Bohème light ? Une Bohème du pauvre ?
Pas du tout !
C'est une Bohème qui va à l'essentiel.


Le propos fonctionne parfaitement, et tout ceci est très habilement et très intelligemment réalisé.

C'est le compositeur Marc-Olivier Dupin et la metteure en scène Pauline Bureau (on se souvient des « Bijoux de pacotille » au Rond-Point cette saison) qui se sont attelés à la tâche.


Melle Bureau a elle-même adapté le livret, qu'elle a traduit dans une langue actuelle, vive et moderne. Oui, dans cette Bohême-là, on peut regarder sa chérie avec « des yeux de merlan frit ».


Elle n'a pas hésité à enlever des rôles masculins (très majoritaires dans l'oeuvre), et a tenu à ne pas déplacer la temporalité : nous sommes bien dans le Paris haussamnien de la fin du XIXème siècle.


L'orchestre « Les frivolités parisiennes », sous la dynamique et précise baguette d'Alexandra Cravero, va nous restituer de très belle manière le lyrisme très romantique de la partition.
On notera dans la fosse un accordéon chromatique qui donne un ton très « parisien » à l'oeuvre.

(c) Photo Pierre Grosbois -

(c) Photo Pierre Grosbois -

Un étonnement attend les spectateurs à leur entrée dans la salle.
Sur le plateau, nous voyons d'immenses panneaux entièrement noirs, très austères et finalement très inquiétants.
Il faudra attendre les somptueuses projections vidéo de Nathalie Cabrol pour comprendre l'utilité du dispositif.
A noter à un moment une petite "cabine" rose  avec une vitrine donnant sur la rue et des rideaux de lamelles argentées, qui fait furieusement penser à ce qu'on trouve dans certains quartiers d'Amsterdam.
Les décors d'Emmanuelle Roy se révèlent magnifiques, pour ne garder au final que la fameuse mansarde dans laquelle on aperçoit des glaçons qui pendent aux poutres.

(c) Photo Pierre Grosbois -

(c) Photo Pierre Grosbois -

La volonté de Pauline Bureau étant de montrer les conditions sociales de cette jeunesse d'artistes confrontés à une grave crise du logement parisien (Tiens tiens... Déjà...), il fallait de jeunes chanteurs pour incarner les personnages.


Sandrine Buendia est une remarquable Mimi.
C'est un réel bonheur d'écouter sa voix à la fois puissante et douce, lumineuse et sombre.
Le Rodolphe de Kevin Amiel est lui aussi parfait de force et d'émotion.
Ces deux-là, qui plus est remarquables comédiens, insufflent une intense émotion à leurs rôles. Difficile de rester insensible , notamment à la toute fin, lorsque le drame atteint son paroxysme.
Je vous avoue que j'avais alors les larmes aux yeux.

(c) Photo Pierre Grosbois -

(c) Photo Pierre Grosbois -

L'autre couple Musette (Marie-Eve Munger) et Marcel (Jean-Christophe Lanièce) est lui aussi totalement crédible.


Tous ces jeunes chanteurs, très à l'aise dans leurs airs respectifs, mais également dans les duos et les quatuors démontrent une nouvelle fois s'il en était besoin, la vitalité et l'excellence du chant lyrique français.
J'ai beaucoup ri grâce au personnage muet de Loulou, cheveux longs plus ou moins sales et grosses lunettes, qui m'a fait penser à Julien Doré...


Je vous conseille donc plus que vivement d'aller voir et écouter tous ces jeunes gens, dans cette entreprise très réussie du point de vue artistique, certes, mais également de celui de la volonté de rendre l'opéra accessible à tous.


La production partira en effet en tournée partout en France, la dramaturgie, la scénographie permettant de s'adapter aux théâtres provinciaux ne disposant ni de fosse d'orchestre ni de cintres.


Mais qui donc a décrété que la Bohème, ça ne voulait plus rien dire du tout ?

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article