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Algorithme

© Photo Y.P. -

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Garçon, l’addiction, s’il vous plaît !

Avant toute chose, c’est bien connu, un peu de pédagogie ne peut pas nuire : algorithme s’écrit effectivement avec un i, et non pas un y, puisque le mot provient du nom de l’immense mathématicien, géographe et astronome persan Al-Khwârismî, né vers l'an 780 de notre ère.
Voilà, ça c’est fait.

Les algorithmes sont les mécanismes mathématiques de base qui régissent le code informatique de tous nos systèmes numériques.
Ces algorithmes qui vont jouer un sale tour à Max.

Max, elle est addict. Au plus haut point !
Cette « trentenaire épanouie » est en effet accro aux technologies de l’information, véhiculées par son ordinateur, sa tablette et son smartphone, sans oublier sa montre connectée.
Bon, la société bien pensante lui enjoint pourtant de ne céder à aucune tentation entraînant une dépendance, de se livrer à de l’activité physique chaque jour, à manger des fruits et des légumes et d’avoir une vie sociale digne de ce nom.

Pourtant, la vie de Max est conditionnée par sa fréquentation plus qu’assidue des réseaux sociaux, des sites informatiques en tous genres et des applications plus ou moins appliquées.
On l’aura compris, plus déconnectée du réel que Max, ça ferait trop !

Un jour pas si beau que ça, elle décide de franchir un pas supplémentaire en investissant dans un assistant numérique personnel.

Emilie Génaédig a écrit une subtile et futuriste fable, dans laquelle, comme dans la série d’anticipation britannique Black Mirror, elle va pousser la logique dans ses derniers retranchements.
L’enfermement numérique de Max va déboucher de fil en aiguille sur un emprisonnement bien réel.
La jeune femme ne pourra plus quitter son lit, une sorte de clôture magnétique formant les arrêtes d’un cube se déclenchant à chaque tentative de fuite.
Comme une métaphore de sa vie.

Elle n’est plus libre, Max.
Y’en a même qui l’ont vue s’affoler...

A travers ce postulat de départ, l’auteure nous renvoie évidemment à notre propre vécu, à notre propre relation à tous ces objets connectés, à notre propre degré d’addiction. 
Elle nous pose également de vraies et essentielles questions.
Qu’est devenu Internet, par rapport à l’utopie que certains de ses créateurs souhaitaient ?
Comment faire pour ne pas devenir accro ?
Comment s’en sortir ? Est-ce possible, d’ailleurs ?

Pour autant, Emilie Génaédig n’est pas dans une démarche de rejet total de la technologie. Le propos n’est pas de tomber dans une absurde dichotomie et une stupide stigmatisation.

Oui, le numérique peut être d’une grande utilité et d’un grand secours.
Oui, ce conte moderne mettra également en avant les aspects positifs de cette technologie, qui pourrait tellement contribuer à la création d’un monde meilleur.

Max, c’est Barbara Lambert.
L’assistant personnel, c’est Léo. Un autre cube. Plus petit.
Les deux vont se livrer à un vertigineux dialogue. Toutes les répliques de la cubique machine seront énoncées par une voix off, qui ne reprend que des phrases réelles prononcées par des assistants numériques existant.

Mise en scène par François Bourcier, la comédienne ne va ménager ni sa peine ni son énergie.
Paradoxalement, sur son lit, ou bien en étant « enfermée » dans sa cage, elle va nous montrer beaucoup d’espace et de mouvement.
Mademoiselle Lambert est une comédienne, certes, mais elle est aussi danseuse, assurément.
Les chorégraphies qu’elle exécute nous le prouvent.

Son texte est loin d’être évident, avec des répétitions voulues, des termes technologiques, un dialogue avec une voix off.
Barbara Lambert est totalement convaincante : nous sommes complètement addicts nous aussi à ce qu’elle nous dit et nous montre.

Il est impossible de se détacher une seule seconde de ce qui se passe sur le plateau.

Elle va nous émouvoir, également. La fin de cette fable, sans trop spoiler, sera synonyme d’espoir et de salut. Vous n'en saurez pas plus.

Ce spectacle est un spectacle visuel.
Tout d’abord, je me répète, par le travail corporel de la comédienne.

Ensuite, par le décor et la scénographie.
Tout autour du lit et de Mademoiselle Lambert vont se déclencher quantité d’événements sonores et lumineux, contribuant à cette impression d’enfermement délétère.
Le cube d’enfermement est symbolisé par douze projecteurs au pinceau de lumière rouge très fins matérialisés par de la fumée. L’effet est saisissant.
Quant au petit cube translucide Léo, lui, il change de couleur en fonction de son humeur.
Il faut saluer le travail du créateur lumières Romain Grenier, et de Martin, le régisseur maison qui doit gérer tous ces effets.

Je vous conseille donc ce bien beau moment de théâtre, qui nous permet de nous situer personnellement et de nous projeter quant à ces questions de société ultra-contemporaines.
Le théâtre, ça sert aussi et peut-être surtout à ça !

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