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La chanson de Roland

© Photo Y.P. -

© Photo Y.P. -

Pas de requin pour Gramblanc.

Une ânesse et deux poules suffiront !

 

Si je vous dis « Roland », vous, vous allez probablement me répondre, en cette période de l’année, « Garros » ». Ou bien « un constructeur de synthétiseurs », « Barthes », « Dorgelès » ou encore « Petit ».

Si je vous précise « La chanson de Roland », vous me rétorquerez alors « Roncevaux, Charlemagne, et peut-être même Durandal ».

Cette fois-ci, c’est Jean Lambert-Wild qui vous répondra « oui, certes, mais pas que... »

 

En compagnie de Lorenzo Malaguerra et Marc Goldberg, il a conçu un remarquable et très inspiré spectacle, à la fois hilarant et poétique, consacré à ce héros-pilier de notre roman national.

Un héros dont les hagiographes et les pourtant vaillants hussards noirs de la troisième République transformèrent la défaite de naguère en une éclatante victoire, au nom du patriotisme plus ou moins hexagonal selon les époques.

 

Roland le preux, le neveu de Charlemagne, le pourfendeur des basques au col de Roncevaux, celui-là même qui inspira nombre d’artistes, dont L’arioste, Vivaldi, Hugo ou encore Klaus Kinski !

 

Le trio d’auteurs évoqué ci-dessus a eu l’excellente idée d’exhumer cette chanson de geste médiévale, et en particulier l’une des quatre parties, La bataille de Roncevaux, justement, et d’en proposer une hilarante et clownesque version.

 

Ce sont en effet les codes culturels du cirque qui vont ici succéder aux spectacles des troubadours et des trouvères qui colportaient cette chanson aux quatre coins de la Francia du Moyen-âge.

Comme si les circassiens étaient devenus les héritiers des ménestrels et autres jongleurs pour nous divertir, en nous éclairant et en nous édifiant quant à cette histoire.

 

Jean Lambert-Wild va se servir de son personnage du clown Gramblanc pour incarner Turold, le vaillant écuyer-poète de Roland, celui qui va nous dire, nous narrer les faits, nous révéler toute la vaillance puis la tragédie funeste de son maître.

 

Nous allons entendre par la voix de ce personnage principal « les laisses », ces décasyllabes originaux, traduits pour l’occasion dans une langue très contemporaine.

Des passages seront entièrement écrits, pour nous décrire le quotidien de Turold, ou encore son voyage sur la lune pour trouver l’élixir de conscience destiné à guérir la folie de Roland.
 

Sur scène, deux espaces. A jardin, une espèce de box comme on en rencontre dans toutes les écuries, la devanture de bois peinte de fougueux cavaliers.
A cour, sous une grande couronne de lumières, un fauteuil entouré de quelques objets dont un vieux poste-radio, représentant l’espace personnel du héros.

 

Le clown blanc Gramblanc et l’auguste Vincent (l’irrésistible Vincent Desprez) pénètrent successivement sur le plateau, en compagnie de… deux poules, Suzon et Paulette, qui sont déposées chacune sur leur perchoir respectif. Elles auront plus tard un rôle important à jouer.

 

Entièrement maquillé de blanc, une arabesque dessinée sur le côté du visage, un point noir sur le nez et arborant une magnifique barbe fleurie (ca devait être la mode, en 778)…), Jean Lambert-Wild se lance dans une première et savoureuse adresse au public, destinée à faire un état des lieux quant à notre pauvre perception de cette chanson de geste-là.

De façon très drôle, en improvisant, en interrogeant les spectateurs, en leur posant des questions, rectifiant les réponses et le peu de souvenirs (hors images d’Epinal qu’il nous reste), Jean Lambert-Wild nous plonge très intelligemment dans le contexte historique et romanesque.

Et puis le voilà qui commence à s’emparer du texte et des vers de l’épopée.
Amplifiée (il faut rendre hommage à Maël Baudet pour la qualité du son), sa voix de baryton nous dit les décasyllabes puis les ajouts en prose.


Dès les premiers mots, nous voici suspendus à ses lèvres.

Le comédien-clown sait nous captiver de puissante manière, faisant résonner haut et fort les mots, se démenant sans compter, dépensant une énergie folle.

Ìl interprète certes Turold, mais également Roland et plusieurs preux.


La dimension corporelle du jeu va revêtir une importance capitale.
Nous sommes véritablement subjugués par l’énergie mise en œuvre : nous avons devant nous cet écuyer, ces vaillants chevaliers, nous vibrons et nous tremblons devant ces grandioses scènes de bataille.
Nos zygomatiques sont mis à rude épreuve. Les décalages, les anachronismes sont épatants.

 

Oui, nous allons beaucoup rire. Les deux clowns connaissent leur métier !

Vincent Desprez nous amuse énormément par ses facéties burlesques et parfois surréalistes. (La réalisation de l’omelette est hilarante. Non, vous n’en saurez pas plus !)

Mais voilà qu’un personnage supplémentaire ne va pas tarder à faire son apparition.
Et pas n’importe lequel, de personnage !

Dressée et guidée par Aimée Lambert-Wild, l’ânesse Chipie de Brocéliande va nous sidérer, nous amuser et nous ravir par son intelligence et ses capacités de comédienne.
Affublée de petits accessoires, (je vous laisse découvrir), s’agenouillant, se couchant, se roulant sur le dos, choisissant des cartes, chacune de ses apparitions déclenche l’émerveillement et le ravissement du public.
Quel intelligent animal ! Quel beau travail de dressage !

Chipie et Aimée contribuent également à mettre en exergue toute la poésie de ce spectacle, nous plongeant également dans des petits moments délicieux qui nous étonnent et nous ravissent.

 

Et puis la fin arrivera, inéluctable. L’olifant finira par retentir.
Le clown nous bouleverse alors. Une grande émotion nous submerge, nous nous sommes tant attachés aux différents personnages...

Une dernière scène, très poétique, réunissant tous les protagonistes, ne manquera pas de beaucoup nous toucher.

 

Une véritable ovation totalement méritée sera réservée à tous les comédiens, qu’ils aient deux jambes, deux ou quatre pattes.

Ne manquez surtout pas ce spectacle à nul autre pareil.

Cette heure de spectacle est de celles qui vous transportent et vous plongent dans un véritable état de grâce.

Ruez-vous à la Tempête !

© Photo Y.P. -  Chipie de Brocéliande -

© Photo Y.P. - Chipie de Brocéliande -

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