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John McLaughlin en concert à la Seine Musicale

© Photo Y.P. -

© Photo Y.P. -

Une légende. Une vraie.


L’un des fondateurs, si ce n’est LE fondateur du jazz-rock et du jazz fusion.
Un des plus grands guitaristes actuels, qui a illuminé les scènes du mode entier avec son instrument au manche « scallopé », ou bien sa Gibson à deux manches.

Un musicien à qui Miles Davis a demandé de jouer avec lui sur onze albums, et qui pour autant ne s’est jamais contenté de cette gloire rare.
Un homme qui a trouvé sa voie propre, musicale et humaine, un homme dont l’apport considérable à la musique contemporaine ne saurait être exhaustivement quantifié.

John McLaughlin était hier à la Seine musicale, lui le jeune homme en pleine forme de quatre-vingts printemps, pour nous présenter sa nouvelle formation, The 4th dimension, et son dernier album en date, Liberation time.

Moi, la toute première rencontre avec Mister McLaughlin eut lieu grâce à deux albums.

Deux chefs d’œuvres alors sortis déjà depuis une dizaine d’années.


1971. The inner mounting Flame, premier album du Mahavishnu Orchestra, toute première version.
Le premier titre, Meeting the spirits.
Neuf accords merveilleux débutant le morceau, au-delà de toute tonalité et pourtant si mélodiques, des accords d’une puissance tellurique incandescente, des accords que je n’avais jamais entendus.
Ou comment comprendre que cet immense instrumentiste était avant tout un compositeur novateur mettant en œuvre de subtiles polytonalités et des mesures impaires totalement inusitées.

 

1972. Love, dévotion and surrender.
Un album enregistré avec Carlos Devadip Santana. Les deux guitaristes, tous deux disciples du guru Sri Shinmoy vont s’emparer de deux thèmes de John Coltrane, et nous en donner des versions admirables qui m’émeuvent toujours autant : A love supreme, et Naïma.

 

Beaucoup d’émotion, donc, à retrouver John McLauglin sur la scène de l’auditorium Patrick Devedjian.

Il arrive le micro à la main, saluant d’emblée la salle, nous disant son émotion de se trouver devant nous : « C’est un miracle d’être là ! ». (Il parle un Français remarquable, résidant depuis longtemps à Monaco.)

A ses côtés, trois musiciens qui ne vont pas l’accompagner mais bel et bien jouer avec lui. La nuance est importante.
Aux drums, le batteur d’origine indienne Ranjit Barot, aux claviers et pour un magistral solo de batterie Gary Husbands, et à la basse cinq cordes Etienne Mbappé.

Premier groove infernal.
Mister Barot envoie une formidable pulsation, qu’il accompagne à la voix au micro, les onomatopées devenant autant de motifs rythmiques, au même titre que ses descentes de fûts ou ses envolées de cymbales.
Etienne Mbappé entre en lice et les deux compères déversent alors un rythme fait de lave magmatique brûlante.

Hélas, et ce sera le seul bémol de ce concert, la prise de son n’est pas à la hauteur.
Une grande confusion règne notamment dans le bas registre, une réverbération trop lourde empêche toute précision de restitution, et nous avons beaucoup de peine à distinguer les subtilités des deux musiciens.
Un très léger mieux arrivera vers le dernier quart du concert.

John McLaughlin entre en lice, et immédiatement, le public de fans inconditionnels reconnaît son style et sa sonorité inimitables.
Sans amplificateur sur scène, passant directement après ses effets par une boîte de direct sur la console FOH, le son cristallin de sa guitare Paul Reed Smith à tige de vibrato procure toujours autant de frissons.


Cet homme est toujours et peut-être plus que jamais le virtuose que l’on sait, qui met cette virtuosité au service d’un lyrisme de tous les instants, d’une vision claire et inspirée de thèmes mélodiques complexes mais d’une incomparable beauté.

Le quatrième compère, Gary Husband ne laisse pas sa part au chat. Que ce soit au piano ou au clavier Norlead, lui aussi nous rappelle qu’il est l’un des grands keyboardistes actuel.
Quelle technique, quelle sensibilité !

De très grands moments nous attendent.

Des morceaux d’une impressionnante fulgurance rythmique, avec une pulsation infernale qui permet au guitariste de tirer de son instrument des fulgurances presque inconcevables et pourtant bien réelles.
Ce sera le cas notamment pour ce titre Kiki, qui commence comme un blues, pour aller vers une fusion merveilleuse.
Un titre dans lequel Mr Barot se déchaînera façon beat box vocale.

Des morceaux presque planants, des ballades oniriques, comme Peace and Happiness to all men, avec des envolées de notes tenues à la sustain qui vous font frissonner de bonheur.


La cohésion, la complicité entre les quatre grands musiciens est totale, une véritable osmose règne en permanence.
J’ai été frappé par la place à la fois large et précise que la patron laisse aux trois autres membre du quatuor.

Seule la formidable qualité des compositions permet ces échanges et cette complémentarité de tous les instants.
Ici, règne en permanence une impression de liberté rendue possible par les structures mélodiques et rythmiques, moins complexes que par le passé, certes, mais toujours aussi passionnantes et inspirées.

Les moments de solo de chacun nous laisseront souvent bouche bée, un chase guitare-clavier sera des plus enthousiasmants, une composition dédiée à Paco de Lucia nous bouleversera, et le duo de batteurs (Gary Husband ayant troqué ses touches noires et blanches pour deux baguettes), ce duo aura quelque chose d’hallucinant.

Tous, nous aurons l’impression d’avoir vécu un moment rare.
Il se murmure ici et là que cette tournée de John McLaughlin serait sa toute dernière.

Je ne veux évidemment pas le croire.

Quoi qu’il en soit, tous ceux qui sortaient hier de la Seine musicale semblaient n’avoir comme moi qu’une seule pensée en tête : « moi, j’y étais, à ce concert mémorable ! »

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