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Frères et sœur

© Photo Y.P. -

© Photo Y.P. -

Allons enfants de la fratrie,

Le jour de r'voir est arrivé…

Revoir son enfance, celle-la même dont nul ne guérit, chantait naguère Jean Ferrat.

Philippe Minyana a écrit sa recherche du temps perdu, retrouvé et à venir.

Un temps dans lequel vont se côtoyer l’imparfait, le futur antérieur et le présent. Et juste ce qu’il faut de futur.
Ou quand l’auteur écrit spécialement pour le metteur en scène-comédien.

Philippe Minyana et Laurent Charpentier se connaissent bien, pour avoir commencé à travailler ensemble dès 2007.
Le premier a déjà écrit pour le second, notamment pour le seul en scène J’ai remonté la rue et j’ai croisé des fantômes, mise en scène par Monica Espina.

Cette fois-ci, Laurent Charpentier a « passé commande » à l’auteur, de façon à pouvoir jouer avec Pierre Moure. Minyana a répondu positivement, tout en proposant qu’un troisième personnage soit de la partie, en l’occurrence interprété par Pauline Lorillard.

Deux ados, Igor 14 ans, Aïda, 13 ans et un enfant, Paul, 9 ans, assis sur un muret, dans une courette.

Deux frères et une sœur.
Ils regardent une fenêtre du premier étage de la maison familiale. La fermeture de cette fenêtre signifiera la mort de leur père.

Voici le début du spectacle.

Nous comprenons très vite que ces trois personnages vont nous confronter à ce qui constitue l’auteur. Son essence même.
Ses souvenirs d’enfance, le parfum de ces souvenirs, les faits qui se sont déroulés et qui l’ont marqué, dans cette maison familiale, durant les années 80 dans l’Est de la France.

Au fond, nous pourrions écrire l’égalité mathématique suivante, avec ces quatre variables plus ou moins inconnues : Igor + Aïda + Paul = Philippe.

Assis sur leur muret, les trois vont évoquer avant tout la famille !
Et quelle famille ! De celles que l’on ne choisit pas, de celles que l’on subit.

Une grand-mère qui fait des bruits de bouche, un père boucher sous l’influence d’une épouse et mère pharmacienne. Et quelle mère ! De celles que l’on n’a pas forcément envie de connaître…

Ces enfants vont faire preuve d’une lucidité certaine. Ils vont raconter ce qu’ils ont déjà vécu, et leur vie actuelle.
Et nous de côtoyer entre autres Fanfan, la tante Adeline, l’autre tante Emeline qui n’a aucun goût, Sylvain Groscaillou, Henri la fois navigateur et connard, un couple d'instits, ou encore Le petit Kévin unijambiste.

Et puis ils vont se projeter dans le futur, dans un avenir fantasmé et rêvé.

On connaît l’écriture de Philippe Minyana, précise, la fois puissante et évocatrice au possible, faite de formules dont il a le secret, formules qui provoquent les sourires et rires du public.

Ici, dans cette pièce intime, intimiste et d’une certaine manière nostalgique, au sens premier du terme, s’invite une certaine forme de poésie. De celle que l’on pouvait trouver dans Les 400 coups, ou L’argent de poche, de Truffaut.

Ici, le monde de l’enfance est particulièrement bien saisi, et surtout retranscrit. Pas de mièvrerie, pas de pathos de mauvais aloi, bien au contraire.

Une vérité émane de ce texte, que le comédiens vont se faire un plaisir de nous délivrer.

Le metteur en scène est Igor. Aïda est interprétée par Pauline Lorillard, et Pierre Moure joue donc le rôle de Paul, le cadet.


Le caractère intimiste évoqué plus haut est matérialisé par un judicieux parti-pris : les trois vont évoluer dans un premier temps dans un espace fait de caisses en bois, de celles que l’on pourrait trouver dans un grenier, remplies de souvenirs ou de fringues au rebut, avec des lampes de chevet ou des lampadaires qu’ils allumeront tour tour.

Au dessus d’eux, un dispositif scénique évoque la maison, la terrasse, l’extérieur…
C’est très malin, je n’en dis pas plus pour vous laisser la surprise.

Sur ce plateau « mouvant », les caisses et les lampes sont faites pour être déplacées, les comédiens nous la disent, cette vérité réelle ou cette vérité arrangée par leurs soins.
 

Laurent Charpentier nous fait rire, avec ses tirades définitives, de celles qui ne souffrent aucune contestation, avec sa façon pour son personnage de se comporter en « frater familias », celui qui pense détenir la vérité ultime.

Les deux autres comédiens sont eux aussi parfaits.

Il est à noter en ce lendemain de la journée internationale des droits des femmes, que c’est Melle Lorillard qui se colle à la cuisine et à l’aspirateur...
 

De grands moments nous attendent, comme ce pique-nique dans les bois, où la bière coule à flots, ou encore cette nuit de camping.

Mais vous savez ce que c’est… Les enfants grandissent, et deviennent adultes puis vieillards…

Ce sera alors le temps de l’analyse, du retour sur soi, le moment de faire le bilan.

Là encore, je vous laisse découvrir par vous mêmes.

Il me faut mentionner les très belles et fort délicates lumières de Laïs Foulc, qui elles aussi participent pleinement à la réussite de cette entreprise artistique.

C’est donc un bien beau moment de théâtre qui vous attend au Théâtre de la ville (Espace Cardin), de ceux qui nous forcent vous aussi à effectuer ce retour en arrière, cette introspection vers ce monde commun à tous : l’enfance.

Soyez rassuré, M. Minyana. Je pourrais dire : « J’y étais » !

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