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[Ré-ouverture] Point Cardinal

© Photo Y.P. -

© Photo Y.P. -

Le théâtre de Belleville a lui aussi repris ses activités artistiques.
Voici une reprise qu'il ne faut absolument pas manquer.
Voici ce que j'écrivais en octobre dernier.

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Il ou elle ? Et si la réponse à cette question était je  ?

Qu'est-ce qui fait qu'on est un homme ou une femme ?
Une simple échographie, qui avant même votre naissance détecte ou non un minuscule vermisseau entre les jambes d'un fœtus baignant dans le liquide amniotique ?
Une éducation ?
Un choix qu'on a fait pour vous ?

Ce qui fait qu'on est un homme ou une femme c'est en tout cas et avant tout ce que ressent un être humain, au plus profond de lui.

Alors quand on n'est pas d'accord avec le postulat initial, d'autres questions se posent : peut-on et comment faire pour choisir soi même, comment se dégager de ce qui a été déterminé pour vous, comment affronter le regard des autres, comment exister ?


Comment être ?
Etre... Ce verbe si simple, et en même temps si compliqué.

Dans son roman éponyme, d'où toute cette aventure artistique est partie, Léonor de Récondo s'empare de ces questions en narrant le chemin de vie d'un homme marié, père de famille, qui se découvre et se sent être une femme.
Depuis longtemps, il pressent intimement cet état de fait, et puis un jour, il en est certain.
C'est cette découverte, ce parcours qu'elle nous raconte.

C'est ce cheminement humain qu'a adapté pour la scène Sébastien Desjours, après la lecture du roman, après une première ébauche de dramaturgie montrée à l'auteure qui a donné son plein et entier accord.

Sébastien Desjours est cisgenre, apprend-on dans le dossier de presse. Il est né homme et se sent homme.
Il a donc entrepris dans un premier temps un travail de recherche, il a participé à des débats, a rencontré et surtout écouté des personnes transgenres.
Un temps d'écoute important. Parce qu'il s'agissait de trouver une vérité à montrer. A restituer. A interpréter.
Parce qu'il était également question de témoigner.

Ce travail a payé.
Sur scène, nous allons assister à un moment intense de vérité la plus intense, la plus profonde.
Durant une heure, le comédien m'a bouleversé, de par cette justesse absolue des sentiments et des émotions.

Le sujet est délicat.
Il était évidemment hors de question de caricaturer ce Laurent qui deviendra Lauren après avoir expulsé de lui Mathilda, et de le faire devenir une folle à la Michel Serrault dans La cage aux folles, ou alors d'en faire un type introverti n'exprimant rien.

Sébastien Desjours a placé le curseur à l'exacte position. Là où il fallait qu'il soit.
Ce qui m'a frappé avant tout, c'est la restitution de la subtile progression qui découle de cette histoire-là.

Ce père de famille qui découvre en lui une Mathilda, qui se confie à Cynthia, une personne transgenre rencontrée dans le Zanzi-bar, cet homme qui va devoir de transformer son paraître pour enfin être, on y croit tout à fait.

Seul en scène, le comédien interprète tous les personnages.

Avec délicatesse, pudeur, appelant un chat un chat, avec parfois un trait d'humour qui ressort (le Dr Morel, le psy de service est épatant... Un lacanien, sans doute...), les mots de Léonor de Récondo sont dits.

 

La force de l'interprétation est telle qu'il est impossible de ne pas se dire que l'être humain en face de nous témoigne de sa propre expérience.

Les scènes de famille ou dans l'entreprise sont particulièrement réussies, là où il faut dire, il faut expliquer aux autres, ces autres dont il faut affronter le regard.

Anne Lezervant a signé une sobre mais très parlante scénographie, placée sous le signe du carré.
Le carré de fines bandes lumineuses au sol, qui délimitent un espace d'enfermement, le carré du revêtement de petites particules, qui va se déliter au fur et à mesure de l'heure.
Tout ceci est également très subtil.

Tout comme le sont les lumières et la création musicale d'Olivier Maignan. (La scène de danse au Zanzi-bar est parfaite ! )

Nous finirons salle allumée. Nous serons les autres, nous saurons, nous verrons, nous assisterons à la mue. Là encore, beaucoup de finesse dans la manière de nous montrer tout ceci.

Voici un très beau moment de théâtre, intense, poignant et bouleversant de justesse et de vérité.

Et la complainte de Melody Gardot de nous accompagner...
My soul is wearying
Beating down from all of my misery yeh
Oh Lord who will comfort me ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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