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Don Pasquale

© Photo Y.P. -

© Photo Y.P. -

C'est dans les vieux pots qu'on fait les meilleures soupes, semble bien penser Don Pasquale, un vieux barbon capricieux et colérique de plus de 70 ans, qui a décidé de se marier avec la jeune promise de son neveu Ernesto.


C'est pour ennuyer son neveu que ce septuagénaire décide de convoler avec une jeunette, sur les conseils de son médecin, le Dr Malatesta (la "tête malade"...), qui va inventer un stratagème pour déjouer les plans de son patient.


Bien entendu, cet opéra-bouffe de Donizetti, créé le 3 janvier 1843 à Paris, vérifiera un autre adage : tel est pris qui croyait prendre.


Cette jeune épouse, Norina, va devenir volontairement une mégère très, mais alors très peu apprivoisée, acariâtre, dépensière et qui va faire tourner son vieux mari en bourrique, allant même  - ô suprême humiliation -  jusqu'à le gifler en public.


On aura compris le stratagème : complètement à bout, Don Pasquale rendra sa liberté à son épouse pour que les deux tourtereaux puissent à leur tour convoler en de plus justes noces.


La morale sera sauve : Norina nous chantera « Il faut être bien sot pour se marier quand on est vieux, c'est aller au devant de bien des soucis et bien des tracas ! »


Cette production est une reprise de l'entrée au répertoire la saison passée de cette œuvre emblématique du genre opéra-bouffe.
Avec une nouvelle distribution.


C'est bien simple, l'Opéra-Garnier a connu hier deux heures et demie d'état de grâce !


Le metteur en scène Damiano Michieletto et le chef Michele Mariotti connaissent leur répertoire italien sur le bout des doigts.


La mise en scène sera traditionnelle et résolument moderne à la fois.
(Il faut noter au passage que l'ouverture se déroule rideau baissé, « à l'ancienne ».... C'est de plus en plus rare.)


Nous sommes dans la maison de Don Pasquale.
Elle est symbolisée par un toit aux seules arrêtes de néon, sans aucun mur. Les pièces sont séparées seulement par des portes.
Le tout est installé sur une large tournette, ce qui nous permet de voir le décor sous différents angles. C'est très malin, et ceci fonctionne à la perfection.
Une veille Lancia bleue pâle est même garée là.


Les portraits de cette petite galerie de personnages seront brossés très précisément et très délicatement.
Dans les deux premiers actes, j'ai pensé à une comédie néo-réaliste italienne des années 50. Avec des caractères très trempés, très finement dessinés. J'imaginais bien Tognazzi, Mastroiani...


Le vieux bonhomme est avant tout un grand enfant. Immature et capricieux.
Nous le verrons même tout petit, consolé par sa mère d'une gifle qu'il a déjà reçue. On pourrait analyser ceci comme l'origine de sa vision de la femme douce et soumise, « au service » de son homme. Là aussi, c'est très judicieux. La scène sera émouvante.

Le metteur en scène utilise à très bon escient un dispositif vidéo sur fond vert, qui permettra d'incruster certains personnages au lointain sur un écran géant. Je n'en dis pas plus, c'est en tout cas une source de grande félicité pour les spectateurs.


Le troisième acte verra une demeure complètement transformée par la jeune épouse. L'intérieur sera très design, nous verrons des fourrures, des bijoux, des meubles très tendances, des portables dernier cris.
La voiture est montée en gamme, avec une luxueuse Maserati noire, moderne et puissante.
Ce sont les membres du chœur en salopette de déménageur qui installeront tout ceci.

 

Cette mise en scène est donc à la fois réaliste et très stylisée, une sorte d'oxymore dramaturgique, une « d'épure détaillée ». J'ai beaucoup apprécié cette vision de l'œuvre par Damiano Michieletto.


Mais tout ceci ne servirait à rien sans l'excellente distribution qui a enchanté la salle.
C'est bien simple, la quasi-totalité des airs a été applaudie.


La basse Michele Pertusi est un formidable Don Pasquale. Son interprétation de ce vieil homme fait beaucoup rire. Il est très drôle, possédant une vraie vis comica.
Sa voix puissante, profonde et chaude a enthousiasmé tout le public.

Le baryton chilien Christian Senn et le ténor mexicain Javier Camarena sont eux aussi irréprochables, chacun dans son registre, qui un docteur dont la fourberie sera mise en œuvre pour une bonne cause, qui un neveu amoureux au plus haut point.
(Le duo Pertusi-Senn de vocalises staccato est magnifique !)
Ils seront très applaudis.

Mais celle qui a déchaîné les ovations a été la soprano d'origine sud-africaine Pretty Yende, que je n'avais jamais entendue chanter.
Son interprétation de Norina confine à la perfection.
On ne gagne pas de multiples concours, de multiples prix internationaux sans raison.


Non seulement elle chante de façon merveilleuse, avec un timbre magnifique, puissant ou feutré, des coloratures impressionnantes, mais elle est une comique née !
Ses expressions du visage sont épatantes, tout comme sa façon de bouger sur le plateau, de prendre l'espace. Quel charisme, quel charme !

L'orchestre et le chœur de l'Opéra national de Paris sont quant à eux galvanisés par Michele Mariotti, le Directeur musical titulaire de l'Opéra de Bologne.

Les applaudissements seront on ne peut plus nourris, et dureront très longtemps, les bravi étant très nombreux.
Quoi de plus logique !

Cette production est une vraie réussite, justifiant indéniablement sa reprise.

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