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L'os à moelle

© Photo Y.P. -

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A moelle, tout le monde à moelle !

On a tous en nous quelque chose de Pierre Dac. On connaît tous au moins l’un de ses aphorismes.
Voire l’un de ces principes philosophiques !

Oui, quelqu'un qui écrira « Parler pour ne rien dire et ne rien dire pour parler sont les deux principes majeurs et rigoureux de tous ceux qui feraient mieux de la fermer avant de l'ouvrir ! », est à coup sûr un philosophe !

C’est à cet homme qui fit entrer définitivement l’absurde, la loufoquerie et le non-sens dans la presse française qu’Anne-Marie Lazarini a eu l’excellente idée de consacrer ce remarquable et indispensable spectacle.

 

En ces temps difficiles, moroses où l’humour militant et l’engagement sont en perte de vitesse, comme il était bon de rappeller la lutte contre la bien-pensance et l’omniprésence du nazisme à l’orée de la guerre dans cette France où Ray Ventura et ses Collégiens n’en finissent pas de chanter « Qu’est-ce qu’on attend pour faire la fête ? » et « Tout va très bien, Madame la Marquise ».

 

Comment mieux rendre compte de l’extraordinaire impact des cent-neuf numéros de ce journal, l’Os à moelle, qui, entre le 13 mai 1938 et le 7 juin 1940, rencontrèrent un incroyable succès qui étonna même son fondateur, que de nous en donner une compilation d’extraits bien choisis et bien sentis.

 

C’est la metteure en scène elle-même qui ouvre le spectacle en lisant un petit texte de Jacques Pessis, bien connu des lecteurs et auditeurs de ce site, par ailleurs ayant-droit de Pierre Dac. Pessis nous rappelle des éléments historiques concernant ce mythique journal.

 

Des extraits, certes. Mais comment ne pas tomber dans le piège de la simple lecture ?

« Tout simplement » en confiant ces morceaux choisis à trois remarquables et très investis comédiens, et en liant le tout au moyen d’une dramaturgie réjouissante.

 

Cédric Colas, Emmanuelle Galabru et Michel Ouimet prennent véritablement à bras le corps ces courts textes en y amenant une vérité, une intensité de tous les instants et en sachant parfaitement en restituer l’humour surréaliste et décapant.

Cette mise en voix de Dac permet de nous rendre compte de la qualité d’écriture, vecteur de ces fulgurances qui font mouche à tous les coups.

Il n’est, pour en prendre conscience, que d’écouter les nombreux rires de la salle.

 

La comédienne et les deux comédiens se livrent à un véritable ballet fluide et d’une grande légèreté.

Tout s’enchaîne à la perfection, la mayonnaise prend très vite et sacrément bien.

Les trois font leurs ces textes qui dans leur bouche et sous leur diction prennent vie.

Sous la houlette de Mademoiselle Lazarini, l’écrit se transforme en situations de comédie réjouissantes voire hilarantes.

 

Il faut remarquer que Michel Ouimet adopte le ton et le phrasé caractéristique de Pierre Dac. J’ai retrouvé grâce à lui cette diction et par moments cette voix propres à l’humoriste.

Le même Michel Ouimet est chargé, dans une petite chorégraphie, d’un tableau qui n’est pas sans rapeler une célèbre scène du Dictateur de Chaplin. Le clin d’oeil est très réussi.

 

Tout au long de cette heure, nous allons retrouver les principales rubriques du journal.

Les pensées et maximes, bien entendu, les petites annonces, les conseils pratiques, les célèbres recettes de tante Abri (qui vous apprendront notamment à confectionner le boudin gris ou encore la soupe aux poissons rouges) ou encore des jeux.

 

Il est à noter que le public sera grandement mis à contribution lors d’une séquence particulière. Je vous laisse évidemment découvrir.

 

Une autre facette dacquienne sera bien entendu abordée.

Celle du résistant, celle du féroce opposant au IIIème Reich, celle du pourfendeur de son fürher.

Anne-Marie Lazarini a judicieusement choisi de terminer le spectacle en rappelant tout ceci aux spectateurs.

Nous sera distribué un avis de recherche contre récompense d’un certain Adolf… Avis de recherche bien entendu paru dans les colonnes de l’Os à moelle.

 

Un certain Adolf qui n’a pas payé son abonnement !

 

Nous l’entendrons, Pierre Dac.

Tout comme lors de la très belle exposition qui lui fut consacrée au musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme, nous sera donné d’entendre sa réponse au pétainiste Henriot lui demandant ce que « La France pouvait bien représenter pour le Juif-Dac ? », dans le texte intitulé « Bagatelle sur un tombeau ».
Je vous prie de croire que durant cette séquence audio, nous autres spectateurs n’en menons pas large.

 

Comme « Rien de ce qui est fini n'est jamais complètement achevé tant que tout ce qui est commencé n'est pas totalement terminé. », le spectacle s’achève par des saluts enthousiastes, où les « bravo » fusent, obligeant les trois artistes à revenir saluer même une fois la lumière revenue dans la salle, ce qui est rarissime.

 

Vous l’aurez compris, voici à l'Artistic Théâtre un autre spectacle incontournable de cet automne 2023.

 

Au fait, et la recette des cerises à l’eau de vie ?

© Photo Y.P. -

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