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Lazzi

© Photo Y.P. -

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Melquiot killed the video stars…

Ce serait l’histoire des deux derniers.

Les deux derniers propriétaires du dernier video club qu’ils viennent de définitivement fermer.
(NDLR : pour les plus jeunes lecteurs, ceux d’après le streaming, un video club était un endroit où les passionnés de cinéma allaient louer à la semaine des cassettes VHS puis des DVD, puis et enfin des Blue-Ray ©. Bref, un endroit quasiment préhistorique.)

Les deux derniers cinéphiles ?

Les deux derniers hommes ?
Les deux derniers êtres humains à rêver d’une utopie dans un monde lui aussi finissant ?

Fabrice Melquiot a écrit cette pièce pour Vincent Garanger et Philippe Torreton. C’était acté dès le début.
Comme une ode aux acteurs, cinéma et théâtre confondus, célébrée par deux immenses comédiens.

L’idée de départ est partie d’une anecdote racontée par un ami à l’auteur-metteur en scène : la fin du dernier video-club suisse.
A partir de cette anecdote, Fabrice Melquiot a écrit avec la langue percutante et drôle qu’on lui connaît une jouissive fable contemporaine..

Au fond, ces deux derniers ont quelque chose de Don Quichotte et Sancho Panza, de Vladimir et Estragon, de Antoine et Bob dans Tenue de Soirée, et de Jean-Claude et Pierrot dans Les valseuses.
Voici les références culturelles que l’auteur a fait siennes pour nous livrer un double portrait humain à la fois saisissant et attachant.

Vincent et Philippe, le divorcé et le veuf, ces deux losers magnifiques malgré eux vont se livrer à une réflexion souvent hilarante (tout au moins dans un premier temps) sur le sens de l’existence, sur leur place dans un monde finissant, sur ce qui fait leur humanité. Aussi.

Une réflexion également sur celles et ceux qui ne sont pas sur scène, mais dont la présence hante le plateau : les femmes, d’abord, et surtout, surtout, les enfants devenus grands. (Sur ce dernier point, Fabrice Melquiot aurait-il des comptes à régler, avec ces tirades savoureuses, provocatrices et très politiquement incorrectes ? Je n’en dis pas plus…)

Finalement, avec cette pièce, chaque spectateur peut se projeter et trouver ses propres thèmes, ses propres mises en abyme, par le biais de références culturelles communes. Orson Welles n’est pas loin, qui veille au grain.

En tout cas, oui, nous allons beaucoup rire. 
Lazzi est une comédie.
La langue de Melquiot, on la connaît : des formules à l’emporte pièce (« Je vais te libérer tout mon potentiel comique dans la gueule, tu vas voir... »), ou encore des aphorismes jubilatoires (« C’est pas parce que c’est la campagne que ça doit être le bordel !») qui font mouche à tous les coups, ou encore dans ce spectacle-là des sympathiques « vacheries » sur tel ou tel acteur, tel ou tel réalisateur de la nouvelle vague.

Une comédie servie par deux merveilleux artistes qui nous donnent une leçon.
Deux comédiens au même prénom que leur personnage, et réciproquement.

Les magistraux (pléonasme…) Vincent Garanger et Philippe Torreton, qui durant presque deux heures vont nous subjuguer à incarner ces deux potes obligés de fermer leur club pour aller se réfugier dans une maison dans le Vercors.

 

Comment ne pas être admiratif (je pèse cet adjectif qualificatif) devant la manière dont ces deux-là campent ce duo très haut en couleurs ?
Comment ne pas être fasciné par leur jeu respectif, par leurs adresses au public (nous sommes souvent pris à partie...), par leur précision, leur virtuosité, leur vis comica, leur métier ?

En entrant dans la salle, nous savons bien que nous attendent deux « grands », mais en sortant, nous avons compris qu’ils sont allés bien plus loin que ça…

Un autre mérite de la pièce est de nous proposer quantité de références cinématographiques, de citations en tous genres et autres subtils clins d’œil.

L’auteur est son propre metteur en scène.
Sur scène, règnent un chaos total, un monde calciné fait de ruines et de fauteuils de cinéma ravagés par le feu.
Comme une apocalypse.

Au milieu de tout ceci, Messieurs Garanger et Torreton arpentent le très grand plateau des Bouffes du Nord, dont l’aspect si beau et unique en son genre se prête particulièrement au propos.
Le dernier théâtre, aussi ?

Alors bien entendu, si l’on voulait faire la fine bouche, on pourrait s’étonner de quelques partis pris un peu gratuits et un peu « tendance » : un grand rocher qui tombe des cintres très lentement durant tout le spectacle, (fallait-il matérialiser davantage l'idée de fin ?), une mise à nu qui n’en est finalement pas une au moyen de slips kangourou (on ne dira jamais assez tout ce que le théâtre français aura fait pour la promotion du slip kangourou… )
Chacun se fera son idée à ce sujet.

La chanteuse Emilie Loizeau a composé la belle musique du spectacle, des pièces à la fois délicates et assez sombres.
C’est elle, femme à la voix off, qui aura le dernier mot avec cette « liste de courses » finale. Un récapitulatif du rêve qu’on n’a jamais rêvé.

Coup de chapeau également à Anne Vaglio qui signe de magnifiques lumières, mettant on ne peut mieux en valeur le propos général du spectacle.

Il faut absolument aller voir Vincent Garanger et Philippe Torreton, au sommet de leur art !
Une leçon, vous dis-je !
Et nique Orson Welles...

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