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Psy Cause(s) Lui

© Photo Y.P. -

© Photo Y.P. -

On connaissait le fauteuil de Molière, il faudra désormais compter avec ceux de Josiane Pinson.

Le magnifique K10 orange, designé en 2000 par Toshiyaki Kita pour Cassina, certes, mais également ceux du dernier opus (en date ?) de cette désormais quadrilogie théâtrale qui nous replonge dans les méandres de la psyché humaine !

Deux nouvelle commodités de la consultation, permettant de disséquer cette fois-ci de façon tout aussi drôle et émouvante, tendre et parfois cruelle, les souffrances de l’autre moitié de notre espèce animale : les hommes.


Après avoir enthousiasmé des milliers de spectateurs avec sa trilogie Psy cause(s), Melle Pinson a rencontré un de ces membres du public qui lui a fait part d’une remarque à la fois logique et on ne peut plus pertinente : « Les hommes sont les grands absents de vos spectacles ! »

Le déclic opéra : elle écrirait donc une suite avec cette fois-ci un psy et des patients mâles.

Avec toujours cette plume acérée, allant à l'essentiel, et cette épatante capacité d'installer en quelques mots seulement les différents personnages qui vont se succéder.

Alors évidemment, une question s’est immédiatement posée : qui est-il ce psy-là, quel genre d’homme est-ce ?

Un mari, un fils, un père, un amant, un amoureux, certes.

Certes. Mais un type qui lui aussi a des soucis, des comptes à régler, consciemment ou inconsciemment, un homme sur le fil, qui lui aurait aussi assurément besoin de consulter.

Autre élément déclencheur de cette nouvelle entreprise artistique : Alexis Victor souhaitait depuis un certain temps déjà que Josiane Pinson le dirigeât dans un seul en scène.
L’occasion était trop belle pour ne pas mettre en commun la remarque et le désir : ce psy, et tous ses patients, ce serait pour lui.

Une nouvelle fois, Josiane Pinson va nous démontrer sa grande connaissance du processus analytique.

C’est cette maîtrise qui lui permet d’en rire, certes, un rire sain, intelligent et nécessaire, mais également de nous confronter avec nos propres névroses, psychoses et autres obsessions.

Pour tout vous dire, je me suis vraiment reconnu dans l’un des personnages qui sont venus consulter !

Sur le plateau du Paradis du Lucernaire, deux espaces.
A jardin, celui du thérapeute, avec une petite commode et son fauteuil. A cour, le coin des patients, matérialisé par un divan-méridienne.

Ces deux pôles seront également mis en valeur par les belles lumières de Gil Galiot.

Oui, il sera tout ce petit monde à la fois, Alexis Victor.

Il faut avoir une sacrée palette de jeu pour incarner à la fois un psychanalyste sévère, souvent impassible dans son métier, plus vulnérable dans sa vie privée, et les différents messieurs qui vont se succéder sur le divan !

Le comédien réussit pleinement à camper tous ces personnages, avec une étonnante capacité à changer de posture, de gestuelle et de voix.

La façon que chaque patient a de se tenir sur le divan en dit beaucoup sur la souffrance qui l’y a conduite.

Le corps parle peut-être autant que la voix. De ce point de vue aussi, la mise en scène est très aboutie.

Parfois, Alexis Victor prend une voix grave avec un accent de titi parisien, ce qui accentue le caractère halluciné de ce qu’il nous dit. Pas vrai, Mozart ?

S’il va évidemment interpréter, parler, dire, le comédien doit aussi écouter.

Ceux qui se racontent, et sont censés être à ses côtés, ou bien au téléphone.

Car cette fois encore, le portable est un accessoire indispensable à la dramaturgie.

Avec notamment des textos qui apparaissent sur un petit cadre immaculé au lointain. Le procédé fonctionne à la perfection.

Ceux qui ne sont pas là physiquement sont pourtant présents en voix off, (c’est le cas par exemple d’une certaine demoiselle HP assez manipulatrice, je n’en dis pas plus… Et je me demande si je n’ai pas reconnu la voix de la maman...), soit sont dans la tête du psy (sa propre voix, toujours off, qui commente de façon très drôle ce qu’on lui expose)

Et puis, il y a des personnages silencieux, comme certains interlocuteurs téléphoniques. Ce sont les réponses du comédien qui infèrent la totalité du dialogue.

Les transitions entre les différents saynètes sont toujours aussi fluides, les morceaux du puzzle se mettent ainsi subtilement en place. Stéphane Corbin illustre musicalement ces transitions-là, avec des petits tangos très révélateurs.

A chaque fois, le comédien parvient de façon épatante à incarner ces types qui souffrent et qui exposent leur souffrance.

On rit beaucoup, certes, mais on est souvent très touché, très ému par ce que nous recevons.

Je ne vous cache pas qu’un certain trouble m’a saisi, à plusieurs moments, en étant en totale empathie avec tel ou tel patient.
Est-ce parce que je fais partie de cette gent masculine-là ?

Je n'aurai garde d'oublier de tirer un grand coup de chapeau au régisseur maison, qui doit lancer un très grand nombre de séquences son, vidéo ou lumières !

Il faut absolument aller découvrir ce quatrième opus, même si vous n’avez pas assisté aux précédents.
Josiane Pinson et Alexis Victor nous proposent un spectacle à nul autre pareil.

Un intelligent et passionnant moment de théâtre !

Sinon, les complexes inconscients de castration et d’analité, c’est grave, Docteur ?

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