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Pas exactement l'amour

© Photo Y.P. -

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Ah ! L’Amour !


Avec un A si grand qu’on n’en finit pas d’en disséquer les ressorts, les codes, les méandres et les variations.

Et tout particulièrement les affres de l’Amour qui finit mal.
Car enfin, on sait bien ce qu’il en est des histoires d’Amour, de leur fin en général, (Fred et Catherine, vous nous l’avez chanté), et de ce qui reste au-delà de cette fin.

Pas exactement l’amour, quoi…

Voici le propos du recueil de dix nouvelles d’Arnaud Cathrine, qui, dans une plume-scalpel, procède à l’autopsie de quelques-unes de ces histoires-là. (Un ouvrage qui au passage a reçu le prix de la nouvelle de l’Académie Française.)
L’après-amour...
Histoires qui finissent si mal qu’elle se terminent à l’hôpital psychiatrique, au sein d’un groupe de parole composé de quatre patients qui souffrent et d’une psy qui ne va pas bien.

Vous avouerez que tout est réuni pour une analyse à la fois passionnante et quasi sociologique de ce qui reste après l’amour entre deux êtres humains.

Après l’adaptation par l’auteur, il en est ressorti une pièce où ces moments post-séparations, post-amour s’imbriquent, s’entremêlent, s’enchevêtrent de façon on ne peut plus intelligente et subtile.

Comme une grammaire du « je t’ai quitté ou tu m’as quitté et ça ne va pas fort »…
Dans laquelle je défie quiconque de ne pas s’identifier à ce qui est arrivé à l’un des personnages ! (A moins évidemment d’être toujours en couple au bout de soixante-dix ans avec sa voisine de table au collège, ce qui est quand même assez rare...)

Arnaud Cathrine, tout comme moi, a assisté à la formidable mise en scène du Songe d’une nuit d’été, par Florence Le Corre et Philippe Person, un spectacle qui concluait la promotion de jeunes apprentis-comédiens au Lucernaire.

Il a rencontré Melle Le Corre, qui lui a présenté cinq d’entre eux, et pour qui il a accepté d’adapter son propre livre, et d’en faire une pièce de théâtre.

Un univers blanc. Un paper-board, un paravent et des chaises immaculés.
Tout comme la blouse de la psy.

 

La psy, c’est Alice Serfati.
La jeune comédienne ouvre le bal avec un long et fascinant monologue.

Devant son paravent, les yeux éclairés de façon très serrée, elle va nous raconter pourquoi elle va très mal, pourquoi elle n’a plus rien à donner. Elle pleure.
Immobile, elle réussit à accrocher chaque spectateur dès les premiers mots.
Nous sommes littéralement suspendus à ses dires.

 

L’écriture de l’auteur, fine et précise, à la fois puissante et délicate, est une première fois mise en évidence.
Quel beau moment !
Mais il y en aura bien d’autres.

Les patients arrivent.
Jordan Brandao Rodrigues, Mathilde Salmon et Juliette Ramirez les interprètent avec un engagement et une justesse irréprochables.
On croit tout à fait à ce qu’il nous racontent, à ces instants de profond désespoir post-rupture.
Là encore, la singulière écriture de l’auteur est mise en évidence de bien belle manière.
Il faut beaucoup de talent pour la dire, cette écriture, afin de placer le curseur émotionnel à son exacte position.

Une autre qui a su une nouvelle fois procéder avec beaucoup de finesse et nombre de parti-pris on ne peut plus justes et sensés, c’est la metteure en scène.
Florence Le Corre n’est pas tombée dans le piège du cercle de parole immobile, à savoir planter ses comédiens sur des chaises, et leur faire dire purement et simplement leur texte aussi intéressant soit-il.

Elle sait bien qu’un comédien, c’est avant tout un corps.
Un corps à faire bouger, à mettre en mouvement, un corps qui doit s’exprimer en tant que tel.
Au cours de cette heure (la durée d’une séance psy à l’hôpital), elle va illustrer de façon lumineuse ce postulat.
Une vraie intensité dramatique de tous les instants va régner. La tension est omniprésente et passionnante elle aussi.

Les trois patients, bientôt rejoints par Lucas, un personnage un peu énigmatique, vont en effet se lancer dans leurs histoires personnelles qui vont s’enchevêtrer, donc, grâce au mouvement et aux interactions entre les comédiens et comédiennes.


Il y a là quelque chose qui relève du ballet, de la danse.
D’ailleurs, la fin qui ne sera non-verbale, un comble pour une séance de parole, la fin relèvera d’une vraie chorégraphie. Et non, je n’en dis pas plus.

Une nouvelle fois, Lucas Bottini, qui fut un formidable Puck lors du spectacle évoqué plus haut, une nouvelle fois Lucas Bottini nous démontre l’étendue de son jeune mais grand talent.
Il incarne de façon épatante ce type qui va recevoir tous les coups psychologiques déjà encaissés par les trois autres, ceux qui ont besoin de libérer leur parole, et qui ne peuvent le faire avec la psy empêchée par son vécu personnel.

Oui, cette heure passe décidément trop vite !

Je vous conseille vivement ce spectacle qui décrit si-bien les affres contemporain de la passion.
Vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas !

Retenez bien le nom de la compagnie de ces cinq jeunes : «Pas exactement l’amour ».
Tiens tiens…
Il faudra les suivre très attentivement.

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