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Le songe d'une nuit d'été

(c) Photo Y.P. -

(c) Photo Y.P. -

Il est toujours assez émouvant pour moi d'assister à la restitution de deux années de travail acharné par de jeunes apprentis-comédiens.


Cette deuxième promotion de l'école d'art dramatique du Lucernaire m'a fait penser cette année à un beau magnum de vin de garde, destiné à être bu dans dix ans, mais qu'on ne peut s'empêcher d'ouvrir et de déguster bien avant.
Le nectar est évidemment encore un peu vert, mais l'on sent bien par les notes fruitées qui percent ici et là que la cuvée 2018 est bonne.


Florence Le Corre et Philippe Person ont adapté et mis en scène ce Songe d'une nuit d'été, en mettant l'accent sur la côté charnel, physique de cette comédie du grand William.
Ici, la magie sera avant tout la magie des corps dans l'espace scénique, des corps en interactions les uns les autres, des corps qui s'attirent, se repoussent, se battent, s'étreignent, se caressent et s'embrassent.


Les deux metteurs en scène ont manifestement tenu à enseigner à leurs ouailles le fait de prendre impérativement en compte cet aspect dramaturgique en général et shakespearien en particulier pourtant trop souvent oublié : un comédien, même avec une cervelle, de la mémoire et un joli minois a un corps et doit donc s'en servir !
Combien de metteurs en scène (venant souvent du cinéma, j'ai en tête un exemple très récent...) oublient ceci !


Deux grands moments vont notamment illustrer mon propos.
Nous allons assister à un véritable match de catch à quatre opposant l'équipe Lysandre-Héléna à l'équipe Démétrius-Hermia. Ou inversement, d'ailleurs...


Des bras de fer, des crochets, des prises en tout genre, des pompes à une ou deux bras, c'est une véritable chorégraphie. Ca pulse, ça vibre, ça bouge, ça n'arrête pas ! Ce sont dix minutes formidables !


Léonard Ballestreros est ce Démétrius-là : le jeune comédien est drôle, très drôle, on sent immédiatement une vraie vis comica ! Il est d'une totale justesse, tout comme Alice Sarfati (Hermia), avec sa voix un peu éraillée, et Bénédicte Fantin qui campe une formidable Héléna, toute en finesse, vivacité et crédibilité dans plusieurs registres.
C'est bien simple, le jeu de ces trois-là m'a enchanté.


Tout comme celui de Lucas Bottini, qui campe un Puck survolté et survitaminé, toujours juste lui aussi. J'avais déjà beaucoup aimé sa prestation dans le Dindon, l'an passé, sur cette même scène. (Je vous conseille au passage de ne pas rater le calembour inscrit en lettres cloutées sur son gilet de cuir.)

 

L'autre moment fort du spectacle, c'est évidemment le spectacle dans le spectacle, le théâtre dans le théâtre.
On retrouve alors Léonard Ballestreros qui enthousiasme le public en Pyrame, rejoint pour l'occasion par Thomas Modeste qui va incarner « une » Tubulure.
Le comédien, doté pour l'occasion d'une perruque ficelle et d'un maquillage très particulier, prend alors une voix de fausset, et déclenche l'hilarité générale.

Le suicide des deux personnages ne laisse personne de marbre, je vois mal qui pourrait résister au besoin de rire aux éclats devant ces personnages de comédiens-ouvriers bras-cassés, se suicidant au moyen de leur glaive !
C'est un grand moment burlesque comme on les aime !


Nul doute que nous entendrons parler de ces cinq jeunes acteurs sus-cités dans les années à venir.


Ce Songe-là dégage donc une belle impression de fraîcheur juvénile et de jolies promesses artistiques et professionnelles.

Une vraie joie d'être sur scène, un vrai plaisir de se retrouver entre élèves, certes, mais surtout entre copains, se dégagent de cette une heure et vingt-cinq minutes.


Etre ensemble pour mettre en pratique cet incroyable verbe qu'est le verbe "jouer" !

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