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[REPRISE] Le petit coiffeur

© Photo Y.P. -

© Photo Y.P. -

Reprise à partir du 15 décembre prochain, à 19h30, d'une pièce incontournable de cet automne théâtral troublé.
Ruez-vous au Théâtre Rive-Gauche !
Voici ce que j'écrivais début octobre.

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Elle est jolie, Mademoiselle Berthier !

Oui, en cette bonne ville de Chartres, fraîchement libérée fin 1944 du joug nazi, elle est très jolie, Lise Berthier.
Avec ses beaux cheveux blonds vénitiens, elle est tombée amoureuse de Pierre Giraud, coiffeur-peintre maniant avec autant de dextérité les ciseaux de laiton et les pinceaux de poils de martre.

Chez les Giraud, on est coiffeurs de père en fils.
Mais voilà, à la Libération, les tondeuses ne servent pas qu'à dégager le cou des clients des salons.

C'est la triste réalité qui va rattraper Pierre et sa famille, une réalité qui va tous les meurtrir.
En effet, la belle Melle Berthier a eu l'imprudence de tomber naguère dans les bras d'un officier de la Wermacht, ancien hobereau allemand qui pour autant aborrhe les nazis.
Un coup de foudre réciproque.

 

Cette histoire est tirée d'un triste fait divers, qui s'est réellement déroulé en 1944, à Chartres.

Je l'ai déjà écrit, je le répète et j'assume : il y a du Pagnol chez Jean-Philippe Daguerre.

Tout comme le grand Marcel, il a ce don littéraire et dramaturgique pas si répandu que cela de nous faire découvrir des personnages du peuple, simples, sincères, sans détours, des personnages pour qui l'on a immédiatement une réelle empathie.

 

Des personnages qu'il plonge dans des situations dignes d'une tragédie antique.
Au fond, cette Melle Berthier pourrait très bien être une belle Troyenne qui se serait damnée pour un fier et séduisant Héllène venu conquérir la cité légendaire aux côtés d'Achille.

Tout comme la trilogie marseillaise pagnolesque traitant de façon universelle de la filiation, cette histoire d'une femme qui par amour « pactise » pendant la guerre avec l'ennemi a quelque chose du mythe.

Sans pathos de mauvais aloi, sans fioritures inutiles, mais au contraire avec un style précis, simple et sincère, (et comme c'est difficile, de raconter de façon simple et sincère, avec ses tripes...), avec de belles formules qui font mouche, sans oublier une propension à instiller de la drôlerie et de l'humour tout au long de ses pièces, M. Daguerre nous raconte la Vie, avec un grand V, avec tout ce qu'elle a de beau et de tragique à la fois.

Une autre grande qualité de l'auteur-metteur-en-scène multi-moliérisé, c'est de savoir s'entourer !

Sur le plateau du Rive-Gauche, cinq irréprochables comédiennes et comédiens vont nous dire cette histoire universelle-là.
Les cinq artistes vont nous enchanter.

Toujours justes, sans jamais forcer leurs effets, en totale prise directe avec le texte, ils vont tour à tour nous émouvoir, nous faire rire, nous faire frissonner ou encore nous glacer.

 

Dirigés avec sa précision, son sens de l'espace scénique et son rythme habituels (Ah ! Ces deux scènes croisées, salon familial à jardin et chambre à cour, avec imbrication des dialogues, quelle réussite!), Jean-Philippe Daguerre continue de nous gâter !

De grands moments attendent les spectateurs, des moments qui donnent la part belle aux comédiennes.

 

Charlotte Matzneff et Brigitte Faure sont impressionnantes, chacune dans leur registre, la première en femme aimante qui tente de faire avec, de vivre, de survivre même, dans cette époque troublée, la deuxième en tant que grande résistante locale et mère de famille qui va devoir accomplir une forme d'acte sacrificiel.
Je n'en dis pas plus, sinon que les deux demoiselles sont bouleversantes !

Felix Beaupérin est lui aussi tout à fait convaincant en jeune garçon-coiffeur amoureux fou. Sa composition est d'une grande justesse.


Arnaud Dupont est parfait dans le rôle de Jean, le frère de Pierre. Il nous amuse beaucoup tout comme il nous touche avec sa composition d'un jeune homme atteint d'un retard mental.
Le rôle est difficile, parce qu'il a fallu savoir placer le curseur à l'endroit exact.
Le personnage est très réussi. Ses pas de danses sont épatants !

Quant à Romain Lagarde, tout en ambivalence, à la fois puissant et fragile, il confère à son personnage de FTP une grande humanité. Tout d'abord intransigeant, son personnage va lui aussi comprendre puis accepter. Le glissement est très subtil.

Je n'aurai garde d'oublier de mentionner le beau décor de Juliette Azzopardi qui sert d'écrin à tout ce petit monde, et les chorégraphies inspirées de Florentine Houdinière.

Vous l'aurez compris, voici donc une nouvelle fois une entreprise artistique totalement et finement réussie de la part de celui qui va devoir à coup sûr agrandir sa cheminée pour poser assez rapidement de futurs nouveaux Molières.

Ce Petit coiffeur fait d'ores et déjà partie des spectacles in-con-tour-na-bles de cet automne 2020 !

Elle est jolie, très jolie, votre nouvelle pièce, M. Daguerre !

Le petit coiffeur
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