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La puce à l'oreille

© Photo Y.P. -

© Photo Y.P. -

Un feu d'artifice ! Un tourbillon de folie feydolienne ! Un festival hilarant de situations comiques !
Voici à quoi nous invite Lilo Baur, pour sa cinquième mise en scène dans la Maison de Molière.
Une leçon de comédie !


Ou comment réussir on ne peut plus brillamment la si difficile gageure de monter Feydeau, à la fois en respectant les terribles contraintes qu'il impose et en parvenant à s'en affranchir grâce à sa propre inventivité.
Ceci n'est vraiment pas donné à tout le monde !

Durant deux heures quinze et ce sans entracte (il faudra faire corriger les programmes distribués dans la salle), les comédiens français vont s'en donner à cœur joie.
Je ne saurais vous dire combien de fois j'ai ri aux larmes !


Ce qui frappe tout d'abord les spectateurs en pénétrant dans la salle Richelieu, c'est la magnifique scénographie d'Andrew D. Edwards.
Ô surprise, nous ne sommes pas à Paris, au tout début du XXème siècle mais bel et bien à Courchevel, ou à Morzine, dans les années 1950.

Lilo Baur a eu la bonne idée de transposer à la fois temporellement et spatialement l'action parisienne initiale.
Immédiatement, on pense au célèbre film La panthère rose de Blake Edwards, le premier volet de la série qui révéla vraiment Peter Selers.
On pense également aux séries Mad Men (dont est fan la metteure en scène), Ma sorcière bien aimée, ou encore Les Saintes-Chéries.

Dans les deux décors de la pièce (un appartement bourgeois à la montagne et l'hôtel très borgne du Minet-Galan), Melle Baur va mettre en scène une bonne quinzaine de comédiens et comédiennes survoltés.
Sa direction d'acteurs est très précise, millimétrée. Elle a parfaitement su faire s'exprimer la machinerie infernale de l'intrigue : dans cette histoire assez tarabiscotée de suspicion permanente, (d'où le titre), aux nombreux personnages, nous ne serons jamais perdus.

 

Il serait trop long d'énumérer les mérites de tous, plongés qu'ils sont dans cette mécanique infernale qui va si bien fonctionner.
Il n'y pas de petits rôles !

Serge Bagdassarian est phénoménal, dans ses deux rôles. (La mécanique dramaturgique en question repose sur des quiproquos, certes, mais également sur le thème du sosie). Quelle énergie, quelle vis comica ! Ce qu'il nous donne relève du grand art ! Je défie quiconque de rester de marbre à chacune de ses facéties.

Anna Cervinka, dans le rôle de sa jeune épouse, confirme le fait qu'elle est capable de tirer les plus grands fous-rires du public. Ses expressions outrées, ses ruptures sont magnifiques et d'une redoutable efficacité.

Jean Chevalier est hilarant en Camille, le neveu affublé d'un défaut de prononciation : il ne peut prononcer les consonnes !

Jérémy Lopez est drôlissime en « hidalgo » outragé au plus que très fort accent ibérique. Quel abattage, quelle force comique... Une nouvelle fois. Il est irrésistible !

 

Alexandre Pavloff donne beaucoup de sa personne, Nicolas Lormeau pratique de façon experte le lancer de patin, Sébastien Pouderoux les acrobaties sur canapé, Birane Ba lui, c'est la boxe !

Voir Cécile Brune à la perruque éponyme se transformer en sapin de Noël est un grand moment à la fois surréaliste et jubilatoire !

Lilo Baur a axé une grande partie de son travail sur la mécanique corporelle.
Ici, les corps vont s'attirer, se repousser, s'étreindre, se renverser, se battre, se frapper, dans un irrésistible maelström.

De plus, bien des running gags servant entièrement le propos vont émailler la pièce.
Une petite musique sortant d'un gros globe terrestre...
Un coucou suisse se déclenchant de façon intempestive...
Des adeptes de ski de fond...
Sans oublier une référence à un court métrage britannique des années 60 en noir et blanc, Dinner for one, mettant en scène une peau de tigre au sol... Je n'en dis pas plus, c'est parfait !

Les changements à vue de décor sont eux aussi très réussis, avec un parti pris qui fonctionne de façon épatante. (Vous n'en saurez pas plus...)
Il me faut également mentionner la musique très années 50-60 de Mich Ochowiak (Ah ! Ces jerks et ces twists endiablés...) ainsi que les très beaux costumes de Agnès Falque.

Dès le noir final tombé, les bravi fusent, le public réserve une véritable ovation à cette production, et ce n'est que justice.
La réussite de Lilo Baur et de sa petite troupe est totale ! L'excellence au service du fond et de la forme.
Feydeau peut dormir sur ses deux oreilles.

Précipitez-vous Salle Richelieu, venez rire aux larmes, venez voir comment réussir de façon éclatante et brillante la mise en scène d'une pièce du plus grand vaudevilliste français.

Un spectacle incontournable de ce début de saison !

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