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Le bois dont je suis fait

© Photo Y.P. -

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Faites des mômes, tiens !


A de rares exceptions près, (l'une d'entre elles fait parler le monde depuis presque deux mille dix-neuf années...), et ne sachant ce que l'avenir nous réserve, nous sommes pour l'instant tous issus de deux géniteurs biologiques.


Dans ce spectacle, Julien Cigana et Nicolas Devort partent de ce postulat pour disséquer les liens, les non-dits accumulés, les rancœurs cachées, les violences tues, les incompréhensions mutuelles qui peuvent se tisser dans une famille lambda. (Si lambda que ça ? Allez savoir...)


Mireille la mère, au crépuscule de sa vie (elle se sait atteinte d'une maladie incurable) décide de réunir pour Pâques les trois hommes qui pour elle ont le plus compté.


Son mari, Jacky. Un homme autoritaire, paternaliste, étouffant, intolérant, refusant en bloc la différence.


Son fils aîné, Stanislas, totalement asservi à son père-commandeur, n'osant se rebeller. Il est marié à Roxane. Le couple a un enfant et attend une petite fille.


Son fils cadet, Tristan. L'exact opposé de son frère. Lui est en conflit avec son père, lui mène une vie de bohème, faite de rencontres et de voyages. Il présente à sa famille sa nouvelle compagne Juliette.

Le repas dominical et pascal sera prétexte pour les deux auteurs-comédiens à développer les rapports conflictuels ou amoureux s'étant tissés entre tous les membres de cette famille au cours des années écoulées.


La première qualité du spectacle réside dans son écriture.
Une écriture en apparence simple, mais qui va à l'essentiel, sans pathos de mauvais aloi, sans aucun effet de mode désastreux. Sans prétention ni pompeux effets de style.
C'est une écriture qui mêle judicieusement humour et émotion, dans un subtil dosage.
On rit souvent, mais à certains moments de grande tension, les spectateurs en général et votre serviteur en particulier n'en menaient pas large...


Ce spectacle est une comédie douce-amère.
Les affrontements père/fils ou époux/épouse peuvent être très tendus.


Une autre qualité de ce spectacle, c'est évidemment le travail et le jeu des comédiens.
Julien Cigana et Nicolas Devort nous interprètent à eux deux les sept personnages.
Une attitude, un geste, un regard récurrents et nous savons immédiatement à qui nous avons affaire.
Les changements d'identité sont parfois fulgurants, et pourtant, ça fonctionne parfaitement. Nous ne sommes jamais perdus.
Avec un épatant accent du sud-ouest, les deux compères sont irrésistibles.


La mise en scène de Clotilde Daniault est vive, alerte. Aucun temps mort ne vient ralentir le propos.
J'ai beaucoup aimé la première scène, dans laquelle nous sont présentés presque instantanément tous les personnages.

Les comédiens portent les mêmes pantalon noir et chandail anthracite, deux tabourets rouges tiennent lieu de tout décor.
Ces deux-là se suffisent bien à eux-mêmes.

De très belles scènes muettes et poétiques sont insérées, avec au lointain, le bruit de l'océan. Cet océan qui purifie tout.

Bien entendu, Julien Cigana et Nicolas Devort nous tendent un miroir.
Nous les regardons jouer, nous les regardons évoluer sur le plateau, mais nous sommes confrontés à notre propre vécu, à notre propre famille.
C'est là l'un des grands mérites du théâtre que de permettre cette mise en abyme.

Je suis ressorti de ce beau moment de théâtre amusé, certes, mais très ému. Parce qu'il est impossible de ne pas s'identifier à tel ou tel personnage.
Et parce que je me suis posé la question de savoir de quel bois, moi, j'étais fait...

Et puis désormais, je n'ignore plus rien de la vache Meuh-Meuh, des problèmes de l'épididyme.
Quant aux tronçonneuses, je ne les regarde plus qu'avec la plus grande des méfiances...

Allez applaudir Julien Cigana et Nicolas Devort au théâtre de Belleville !

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