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Un dimanche au cachot

(c) Photo Y.P. -

(c) Photo Y.P. -

Attention : autant vous l'écrire tout de suite, cette pièce, ce Dimanche au cachot est un véritable et indispensable coup de point dramaturgique !
Voilà, c'est dit, ça c'est fait !


Elle nous apparaît, surgie de l'obscur, la chabine...
La voici, cette esclave métisse martiniquaise à la peau claire, cette jeune femme qu'un béké a voulu priver d'identité, et dont il a voulu renier l'humanité.


Celle dont on ne connaîtra le prénom qu'à la fin de la pièce va nous raconter son enfermement.
Un enfermement physique, dans ce cachot de quatre mètres carrés, à l'intérieur duquel on ne peut se tenir vraiment debout. Un espace de torture.

 

Un enferment mental, également, programmé par le Maître de l'Habitation.

 

Le sang du mois est passé, elle est enceinte d'un nègre marron. Lui, il a tenté de fuir avec les jambes, il a osé le marronnage.
Elle, elle va résister autrement.


José Pliya a adapté le roman éponyme de l'immense auteur, chantre de la créolité et de la créolitude qu'est Patrick Chamoiseau.
Il s'est concentré sur ce personnage, et sur ce huis clos.

Un espace plus que fermé, contraint, étouffant, qui verra néanmoins une belle sortie.

 

C'est un vrai bonheur de retrouver la langue imagée, poétique, la langue musicale de Chamoiseau, cette magnifique langue française d'au-delà de l'océan qui chante, qui rafraîchit et enchante nos oreilles.

La chabine est « égrappée », la métisse est seule, mais une bête longue est tapie dans l'obscur, un serpent se tient dans le noir.

Cette langue, c'est Laëtitia Guédon qui va la porter, haut et fort, qui va en faire le vecteur du refus, de la résistance, de la véritable fuite.
De sa voix grave un peu éraillée, elle va nous dire les mots de l'auteur. Les mots doux, tendres, chauds, mais également et peut-être surtout les mots durs, hurlés, ceux de la violence, de la tentative de déshumanisation, et ceux de la résistance.

 

La comédienne est en complète symbiose avec le musicien Blade Mc Alimbaye, qui met en espace sonore ces mots et illustre avec ses notes, ses sons, et ses samples bouclés de sa voix le propos de la pièce.


Le metteur en scène Serge Tranvouez a matérialisé ce cachot par un carré de sable, recouvert partiellement de galets sombres, qui crissent sous les pieds de Melle Guédon. Le tout est délimité par un fin périmètre lumineux.
C'est très beau, scénographiquement parlant.

 

Il a demandé également à la comédienne un sacré travail corporel.
D'ailleurs, son apparition sur le plateau est saisissante.
Elle émerge tout doucement du noir dans une position très inhabituelle, presque impossible, très oblique, très penchée.
Cette ouverture, qui matérialise d'entrée l'inconfort et la tension est un vrai choc.
On a du mal à comprendre ce qu'on nous donne à voir, pour le public, c'est une première source d'interrogation.

Laëtitia Guédon a les mains et les bras couverts de peinture noire. Le personnage est une chabine, certes, mais aucune origine, aucune négritude n'est reniée. Le symbole est très fort.

Elle jouera en tension de façon permanente, vocale et physique.
Il est impossible de la lâcher des yeux et des oreilles.

Cette tension atteindra son paroxysme lors d'une scène de lutte à l'intérieur du cachot, avec « l'Africaine ». (Je vous laisse découvrir...)
Le metteur en scène a fait de ce moment un temps dilaté, ralenti.
La fureur, le chaos sont comme filmés en slow-motion, la voix se fait plus grave, les mouvements sont tout relâchés. Ce parti-pris très judicieux fonctionne à la perfection.

Cette pièce, programmée pour deux jours au Tarmac, dans le cadre du festival « Outre Mer Veille », est un moment important de théâtre.
Il ne sera donné que deux fois, dont ce soir encore, mardi 12 juin.
Tentez votre chance auprès de la billetterie.
Un vrai coup de poing, vous dis-je !

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