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Notre cher Anton

(c) Photo Y.P. -

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Autant l'avouer, Catherine Salviat fait partie de ces rares comédiennes qui me plongeraient dans la plus intense des félicités rien qu'en me lisant l'annuaire inversé des entrepreneurs de pompes funèbres de Seine-et-Marne.
Alors vous pensez, des extraits du journal et de la correspondance de notre cher Anton !


L'adjectif possessif « notre » est important.
Melle Salviat nous rappelle que ce cher Anton nous appartient tous, qu'il nous a déjà enchantés, qu'il nous ravit toujours et qu'il continuera longtemps encore à nous fasciner.


La Sociétaire honoraire de la Comédie française a entrepris d'évoquer la vie et l'oeuvre de Tchekhov à partir de ses écrits intimes. Pour faire mieux connaissance avec le dramaturge russe, mais aussi le médecin, l'homme, l'amoureux, le mari.


Sur scène, deux chaises et un petit piano à queue pour enfants sur lequel trône la photo de l'écrivain, des journaux russes, des livres et des feuilles de papier bleu couvertes d'une fine écriture.

La comédienne va procéder tout à fait logiquement : l'évocation de la vie de notre Anton se déroulera d'un point de vue chronologique. Elle commence donc par l'enfance, pas très heureuse (les coups pleuvaient...)

Puis, c'est le premier émoi théâtral : une représentation de la Belle Hélène, d'Offenbach.
Pour l'occasion, et ce n'est pas si fréquent, Catherine Salviat chantera, et fort joliment.
Elle nous offrira un petit extrait de cet opéra-bouffe, à savoir l'invocation à Vénus « Dis-moi Vénus, quel plaisir trouves-tu à faire ainsi cascader la vertu... »

Un cahier à la main, la comédienne lit de sa belle voix les extraits manuscrits du textes qu'elle a recopiés.
Elle parle russe, témoin ce poème qu'elle nous interprète.

Son œil est malicieux, le plaisir qu'elle prend à lire l'un de ses auteurs préférés est évident.

Les morceaux choisis résument bien la vie de Tchekhov, cet homme engagé sur un plan évidemment littéraire et artistique, mais également en tant que médecin humaniste. Après avoir acheté une propriété dans les environs de Moscou, il n'aura de cesse que de lutter contre la misère, la famine, l'ignorance. Une grande partie de ses revenus sera consacrée à construire des routes, des écoles, et à soigner la population atteinte du choléra.

 

Catherine Salviat nous fait également sourire avec l'humour de l'écrivain, un humour qui peut parfois transparaître dans ses pièces. Elle nous livre quelques aphorismes, comme par exemple : « Pour de l'argent, un Allemand peut prendre un Russe pour en faire un Français !».

Les femmes, et notamment la sienne, ne sont pas oubliées.
Avec parfois, une certaine dose de misogynie : « Si vous craignez la solitude, ne vous mariez pas... »

Pendant une heure et quinze minutes, nous serons plongés dans l'âme russe, avec ce qu'elle peut avoir de fulgurances, de paradoxes, d'envolées lyriques.
« Nous nous reposerons », assure Catherine-Eléna, citant les derniers mots d'Oncle Vania.
La comédienne nous rappelle également une jolie tradition qui veut qu'avant de partir, avant de ne plus revoir avant longtemps ses amis, la coutume veut que celui qui s'en va s'assoit un moment.

 

Catherine Salviat nous propose donc une très belle plongée dans l'univers de l'un des plus importants écrivains de théâtre de tous les temps. Un auteur intemporel, universel, dont l'oeuvre est plus connue que la vie.

C'est Vladimir Nabokov qui aura le dernier mot : « Чехов будет жить так долго, как есть березовые леса, закаты и желание писать, пока это вечно!»
Autrement dit : «Tchekhov vivra aussi longtemps qu'il y aura des bois de bouleaux, des couchers de soleil et le désir d'écrire, autant dire qu'il est éternel !»

Le noir tombe sur la scène.
Juste avant, Melle Salviat s'est assise.

 

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