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Berlin Berlin

© Photo Y.P. -

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Stasi dans le métro.

Et même partout ailleurs, en fait...

Il est des signes qui ne trompent pas : les écriteaux quadrilingues dans le hall du théâtre Fontaine ne laissent planer aucun doute : au-delà de ce check-point Charlie, nous nous retrouverons à Berlin-Est.

Et plus précisément à l’automne 1989, dans l’appartement de Werner Hofmann, cadre du parti et membre de la Staatssicherheit, la Stasi, cette terrible police politique qui faisait régner la terreur dans toute l’Allemagne de l’Est.

Si le doute subsistait encore, « L’internationale », par les chœeurs de lArmée rouge qui s’élève des hauts parleurs vient le dissiper rapidement.

Il faut beaucoup de talent pour écrire une comédie hilarante se déroulant dans une époque aussi sombre, un temps ayant provoqué la mort de beaucoup d’opposants au régime.

Ernst Lubitsch, en 1942, avec son filmTo be or not to be, ou bien Mel Brooks, en 1968 avec son célèbre « The producers » avaient pleinement réussi la gageure.

C’est également le cas ici : Patrick Haudecœur et Gérald Sibleyras réussissent à nous faire rire aux larmes (je suis bon client, certes, mais là, j’ai vraiment pleuré de rire...) en situant cette pièce dans une Allemagne de triste mémoire, celle de l’autre côté du Rideau de fer.

Les deux auteurs ont eu l’excellente idée de nous proposer un excellent vaudeville  : au fond, il y a du Feydeau dans cette entreprise artistique-là.

Un Feydeau qui nous montrerait tout plein de züschlagende Türen, et qui nous ferait réfléchir à cette tragique période de l’histoire moderne.

On ne change pas une équipe qui gagne : les deux auteurs mettent leurs savoir-faire et savoir-écrire au service d’une heure et demi hilarante, avec des concepts pourtant dramatiques : la torture, la déportation en Sibérie, la privation de liberté. Et la mort.

Beaucoup de talent, vous dis-je pour parvenir relever ce défi paradoxal.

Emma et Ludwig veulent passer à l’Ouest coûte que coûte.

Elle réussit à se faire embaucher comme aide-soignante de la mère de Herr Hofmann, et ce pour une raison bien précise : dans cet appartement, se trouve un passage secret permettant de passer sous le mur.

Seulement voilà…

Les choses ne vont pas se dérouler comme prévu. Mais alors pas du tout !

Ne voilà-t’il pas que l’austère officier tombe amoureux fou d’Emma, et que des espions de toutes sortes rôdent.

Un autre gage de succès : José Paul est aux manettes.

Une nouvelle fois, le metteur en scène va insuffler au spectacle un rythme intense et très soutenu, et faire en sorte qu’une énergie folle se dégage de tout ceci.

José Paul est l’un de ceux qui savent faire en sorte de créer un véritable ballet, quasiment chorégraphié, avec ce sentiment pour le public que les choses ne pourraient pas être autrement.

Tout a l’air facile, évident. Les scènes se succèdent avec parfois des moments quasi surréalistes et je me répète, hilarants !

Et puis, bien entendu, une fine, très fine équipe de huit comédiens va faire fonctionner nos zygomatiques à plein régime.

Une équipe emmenée par le co-auteur lui-même.

Son personnage de Ludwig est purement et simplement grandiose.

Patrick Haudecœur est cet homme en couple avec Emma. Un type gauche, couard, ballotté par les circonstances, et qui va se trouver pris dans une spirale infernale, devant même passer pour… Eh ! Oh ! Ne comptez pas sur moi pour spoiler !

Il va nous gratifier d’une scène absolument désopilante, dans laquelle une célèbre œuvre musicale classique va subir bien des avanies.

A pleurer de rire, donc. Vraiment !

Il y a du Bouzin dans son personnage !

L’autre source de fou-rires, c’est bien entendu Maxime d’Aboville qui lui, incarne de son côté une sorte de Bois d’Enghien empêtré avec sa supposée maîtresse et son épouse.

On connaît l’immense palette de jeu du comédien.

Ici, sa vis comica, ses ruptures, ses mimiques (Ah ! Cette langue qui sort…), ses envolées dans les aigus, ses double-takes réjouissants, tout ceci est jubilatoire.

Encore et toujours.

Ces deux-là ne ménagent ni leur peine ni leur énergie pour nous tirer quantité de fou-rires.

Emma, c’est Anne Charrier, qui interprète ce personnage avec une vraie grâce et un réel engagement.

Il en faut pour exister « dramaturgiquement » auprès des deux comédiens ci-dessus.

Elle nous fait croire totalement à cette femme éprise de liberté, ne ménageant pas ses efforts pour passer à l’Ouest.

Là également, une très belle composition.

Le reste de la petite troupe est à l’avenant.

Loïc Legendre est un fourbe infirmier qui aura bien mérité des pigeons berlinois.

Le comédien, dans des tirades pince-sans-rire est lui aussi excellent.

Marie Lanechas fait froid dans le dos elle aussi en cadre de la Stasi. Sa scène avec plusieurs robes est excellente. (Et quelle belle voix-off… Là encore, je n’en dis pas plus…)

Ghillem Pellegrin est un général-crooner dépressif et drôle à souhait, Claude Guyonnet et Gino Lazzarini sont d’épatants soldats.

Ah ! Mais qu’il est bon de rire !

Un rire intense, sain et intelligent. Un rire qui nous rappelle néanmoins et à bon escient une époque et que l'on espère bien ne plus connaître...

C’est ce qui vous attend en allant assister à ce drôlissime spectacle, dont la réussite est totale, tant sur le forme que sur le fond !

Alors ? Alors ?

Kalinka, kalinka, kalinka moïa!
v sadou iagoda malinka, malinka moïa !

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