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Un espoir

© Photo Y.P. -

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Un grand cru, cet entre-deux-mères !

Pas facile d'être mère.

Aucune école, aucune formation diplômante, aucune université n'apprend à devenir mère.
Chaque mère doit se débrouiller toute seule, glaner ici et là des conseils, des informations, des tuyaux dans des livres ou auprès de ses sœurs en maternité.

Souvent, tout ceci fonctionne.
Mais parfois, le logiciel maternel connaît des bugs. Et ce, pour de multiples raisons.

C'est ce qui est arrivé à Harpie.
Une femme qui a décidé de changer de prénom, après avoir abandonné sa fille dans un train.

La Harpie, une tête de femme sur un corps d'oiseau.
Les plumes noires, nous les voyons sur le manteau de ce personnage qui rôde autour du foyer de Minette et Deidre.

Nous n'allons pas tarder à comprendre qui est Minette pour Deidre.

Wendy Beckett a écrit cette belle pièce pour trois comédiennes.
Le sujet est périlleux.
Une fille tiraillée entre ses deux mamans : la maman biologique et la maman d'adoption.

Périlleux, parce qu'il serait très facile de verser dans la mièvrerie et le pathos de mauvais aloi.
Ici, il n'en est absolument rien.

Le texte de Miss Beckett, finement traduit par Dominique Hollier, nous raconte cette histoire de façon presque brute, quasiment de façon sociologique, sans jamais vouloir nous apitoyer sur qui que ce soit.
Ici, il n'est pas question de plaindre tel ou tel personnage, ni de porter un quelconque jugement.
Seuls les liens de la relation mère-fille seront subtilement exposés durant les quelque quatre-vingt minutes que dure la pièce.

Avec pour objectif de nous faire réfléchir sur les tenants et les aboutissants de l'adoption.
Tous les points de vue seront respectables, dans ce qui nous sera exposé.

Le texte. Et puis les comédiennes.
Il fallait trois actrices capables de nous faire vivre cette histoire sans donner dans le côté larmoyant.
Là encore, c'est pleinement le cas.

Le trio constitué par Hélène Babu, Christine Gagnepain et Rebecca Williams fonctionne à la perfection.

Hélène Babu, en mère couturière (Oh pardon ! Designer de mode, pas couturière...), sorte de cougar blonde obnubilée par les apparences, tentant de gommer l'irréparable outrage des années passées, portée sur la boisson, Hélène Babu est irréprochable.

A aucun moment, elle ne verse dans la caricature. Bien au contraire. Elle donne une réelle épaisseur à cette femme qui a subi bien des coups du sort. (Je ne développe volontairement pas...)
La comédienne nous fait parfaitement ressentir l'ambivalence de cette femme, pour qui nous avons à la fois de l'empathie et de la répulsion. Et puis, nous ressentons complètement sa peur de perdre sa fille.
C'est une composition épatante.

Tout comme celle de Rebecca Williams, qui incarne la fille de dix-sept ans.
Là encore, la comédienne est totalement crédible, elle qui nous fait partager le tiraillement de cette adolescente envers ses deux mères.

Harpie est interprété par Christine Gagnepain.
Le personnage est dans un premier temps assez mystérieux, symbolisé par une harpe projetée sur un rideau de tulle à cour.
Melle Gagnepain nous distille délicatement et progressivement les informations successives qui vont nous faire comprendre qui est cette femme vêtue de noir.
Souvent un côté poétique pointe dans son discours, qui tranche avec le côté un peu sociologique évoqué plus haut.
La comédienne nous propose elle aussi une bien belle composition.

Cette pièce est par ailleurs magnifique sur le plan visuel et sonore.

La scénographie de Halcyon Pratt, qui permet d'ouvrir le tout petit plateau de la salle Christian-Bérard est très réussie. Même de fausses prises électriques sont installées sur les plinthes. C'est vous dire le souci du détail !

Formidables également les nombreux costumes de Sylvie Skinazi, dans un style et une gamme de couleurs souvent très flashy fin des années 60.

Il me faut également mentionner la création musicale de Felicity Wilcox et le subtil design sonore de Mehdi Bourayou, que les habitués de ce site connaissent bien.

C'est donc un intense et bien beau moment de théâtre qui vous attend à l'Athénée-Louis Jouvet.
D'autant que cette pièce donne immanquablement envie d'imaginer le destin de ces trois femmes après que le noir final ait assombri la salle.
Une vraie réussite !

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