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Elephant Man

© Photo Y.P. -

© Photo Y.P. -

Les freaks, c'est chic !
Tout du moins à Londres, à la fin du XIXème siècle.


Les freaks, ce sont ces êtres humains victimes de maladies ou de troubles génétiques, présentant des caractères plus ou moins difformes selon les canons de la « normalité » en cours.


Je vous renvoie évidemment à deux films célèbres : Freaks, de Tod Browning, en 1932 et surtout Elephant Man, de David Lynch, sorti en 1980.

C'est justement ce dernier film dont s'est inspiré Antoine Chalard, pour nous raconter sur un plateau de théâtre l'histoire de Joseph Merrick, qui a vraiment existé.


Celui qu'on appelle souvent John Merrick va croiser à 21 ans la route du célèbre chirurgien londonien, le Dr Treves. Celui-ci le recueillera, après l'avoir tiré des griffes de ses « managers », et le transformera de monstre de foire en être humain en lui rendant toute sa dignité.

L'adaptation d'Antoine Chalard est fidèle à l'histoire de cet homme affligé de cette terrible et incurable anomalie congénitale.
Il va jouer lui-même le rôle du chirurgien britannique, étant parfait dans son interprétation flegmatique et très british du médecin. (A noter qu'il interprétera également le rôle du directeur de l'hôpital.)

Bien entendu, tout comme dans le film, ce qui va préoccuper dans un premier temps les spectateurs, c'est de constater de visu le visage difforme de John Merrick.
Comme David Lynch, ce moment va être ici différé le plus longtemps possible, par différents moyens, afin de générer une forme de suspens.

C'est ainsi que nous verrons ce pauvre homme en contre-jour, au lointain sur sa dérisoire et pitoyable paillasse, nous l'apercevrons également en ombre chinoise, comme vu au moyen de rayons X, permettant ainsi au Dr Treves de nous détailler toutes les infirmités.
Le procédé fonctionne à la perfection.

Et puis bien entendu, nous allons finir par découvrir - enfin - le visage du personnage.
C'est Florent Malburet qui porte une prothèse au bras droit, et puis surtout un masque impressionnant, que l'on doit à Galina Molotov.
Ce masque permet néanmoins au comédien de jouer de son visage, afin d'exprimer beaucoup d'expressions, notamment avec ses yeux.
Un grand coup de chapeau supplémentaire pour le fait de « supporter » tout ce latex sous les projecteurs de la salle noire du Lucernaire.

Clémentine Yelnik quant à elle interprète trois rôles.
Tout d'abord l'horrible « propriétaire » de John Merrick (le personnage se définit ainsi), odieuse et repoussante. (Avec par deux fois un petit clin d'œil dans son texte au Gollum de Tolkien ! Je vous laisse découvrir... )

Melle Yelnik joue également le personnage de Mrs Motherhead, la revêche infirmière-chef au grand-cœur, ainsi que Mrs Kendal, une célèbre actrice de l'époque ayant elle-aussi pris sous son aile Mr Merrick.
Les trois interprétations sont très réussies, avec des changements de costumes très rapides.

Ici pas de pathos de mauvais aloi.
Les émotions à destination du public sont très justes, sans effets superfétatoires.
J'ai vraiment compati au malheur de cet homme, souffrant avant tout de la discrimination à son égard, et de sa relégation à l'état de bête.

Et puis, les valeurs humaines que sont l'empathie, le respect et l'acceptation de la différence, la tolérance envers l'Autre, ces valeurs sont parfaitement mises en exergue.

A noter également une jolie scène de mise en abyme, avec un passage de théâtre dans le théâtre.

La fin du spectacle est très émouvante, avec notamment la toute dernière scène.
Nous autres spectateurs n'en menons pas large, et les applaudissements mérités tardent à arriver : il faut du temps pour revenir à la réalité.

C'est un beau moment de théâtre que cet Elephant Man.

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