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Antigone

(c) Photo Y.P. -

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Ca n'est pas encore cette fois-ci que la pauvre Antigone aura la permission d'enterrer son Polynice de frère...


Cette fois encore, il lui faudra braver l'interdit, elle devra transgresser la décision de justice inique et... injuste de son oncle Créon.


Antigone ou la tragédie personnifiée :

Née de l'union incestueuse d'Œdipe et de Jocaste (on se rappelle qu'à cette occasion cette dernière est à la fois la maman et la mamie d'Antigone, ce qui est certes pratique pour les cadeaux de la fête des mères, mais quand même assez rare et problématique...), membre de la famille maudite des Labdacides, elle revient d'enterrer son père pour assister au combat qui va opposer ses deux frangins.


C'est d'ailleurs cette lutte fratricide qui ouvre le spectacle : nous verrons le sang couler, un sang dont s'enduit le vainqueur, abandonnant le vaincu à ciel ouvert côté cour.


La metteure en scène Lucie Berelowitsch, par ailleurs toute nouvelle directrice du CDN de Vire, est d'origine russe.
En 2014, au cours d'un voyage à Kiev, elle va rencontrer le groupe « cabaret-punk » féminin des Dakh Daughters, que nous connaissons bien en France, pour l'avoir découvert notamment au théâtre Monfort dans le spectacle « Terrabak de Kiv ».
Les cinq musiciennes et comédiennes ont inspiré ce projet.
Il s'agira d'adapter Sophocle et de monter sa tragédie dans la langue ukrainienne.


La situation particulière du pays en pleine reconstruction après l'Euromaïdan, les barricades encore présentes, les restes de ce qui a été calciné, vont procurer à la metteure en scène des images et des passerelles on ne peut plus fortes avec la situation politique de la pièce.
 

Une guerre se termine, avec la victoire annoncée prématurément de Thèbes.
Nous sommes après le chaos. Dans un moment fragile, une société qui doute et hésite, qui cherche et aspire à trouver de nouveaux modèles.
On l'aura compris, cette Antigone-là sera d'une actualité... brûlante.

Le chœur antique est ici un chœur-musique.
Les Dakh Daughters, avec leur fougue, leur puissance et leur folie nous racontent, nous jouent et nous chantent l'action.

S'accompagnant à la contrebasse, au violoncelle, au violon, à l'accordéon et aux percussions, les cinq demoiselles créent un monde sonore onirique.

La metteure en scène a ancré son travail sur une vision d'un monde post-conflit, presque post-apocalyptique, avec des costumes contemporains dans un sale état.
Le palais de Créon est une espèce de caserne, avec des gardes en treillis armés de lourdes épées.


Les fluides auront une grande importance.
Le sang, dans lequel tous les comédiens marcheront au long de la pièce.
Le feu, qui clôturera la pièce.
L'eau, qui sera versée sur le corps debout et entièrement nu d'Antigone, symbolisant sa mort avant d'enfiler un linceul immaculé.

 

Chrystina Fedorak est cette héroïne.

Elle confère à son personnage une réelle force, presque une sauvagerie tout à fait déterminée. En même temps, sa fragilité saute aux yeux de tous. C'est une très intéressante composition.

C'est Thibault Lacroix qui incarne le devin Tirésias, invectivant Créon, souvent en Français.
Une nouvelle fois, le comédien incarne une vraie folie, une démesure tout à fait épatante.

Les autres comédiens, tous ukrainiens, participent à la même veine épique et tous sont irréprochables.

Au final, cette Antigone ukrainienne, pleine de souffle, de vision politique, d'images puissantes et frappantes est de celles qui ne laissent personne indifférent.
Une passionnante appropriation du mythe.

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