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Les enivrés

(c) Photo Y.P. -

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Ivres, pétés, saouls, pafs, bourrés, schlass, complètement faits, mûrs, cuits...
Tels sont les quatorze personnages de Ivan Viripaev.
Enivrés, on vous dit !


C'est à boire, à boire à boiiiiiiiiiire, c'est à boire qu'il leur faut !
Et croyez-moi, ils ont bu !


Ce faisant, cette ivresse va se révéler être une passerelle, une forme de moyen d'accéder, en tout cas un trait d'union entre leur condition d'êtres humains et une certaine Vérité.
L'ivresse, comme dans certains poèmes antiques grecs, l'ivresse va les rapprocher de l'Amour et de Dieu. Quel dieu ? A chacun de choisir...


Saouls qu'ils sont, ces quatorze-là vont sans concession aucune nous asséner des vérités peut-être pas toutes bonnes à dire.
Dieu parlerait-il à travers eux ?
Eux semblent le penser, et l'auteur à travers eux.


Viripaev se sert de l'état second dû à l'alcool pour déclencher une réflexion des spectateurs.
Nous sommes amenés en voyant évoluer piteusement et élucubrer sérieusement ces avinés à nous positionner sur notre relation à l'autre, sur le sens que nous donnons à ces valeurs essentielles que sont l'amour, le libre-arbitre, ou encore à nous interroger sur la peur que l'on peut éprouver en regardant le monde qui nous entoure.

 

Nous sommes au delà des brèves de comptoir, nous sommes dans des longues de zinc...

Nous sommes confrontés à l'ivresse qui fait tomber les masques, qui abolit les différences sociales, qui laisse tomber les filtres qui peuvent interférer entre les êtres humains...
Le résultat sera une sorte de chaos recréé sur le plateau.
Un chaos renforcé par la scénographie de Erwen Creff, qui a imaginé deux tournettes concentriques, immergeant les acteurs dans de pathétiques manèges.


La Madelon, viens leur servir à boiiiiiiiiiiiiire !


L'auteur russe a l'ivresse joyeuse.
Nous allons assister à une farce plus ou moins hilarante et dérisoire.
Car nous allons rire.


Le metteur en scène Clément Poirée (avec au passage un nom évoquant tellement un alcool normand), Clément Poirée donc a bien compris ce côté farce, cette dérision sous-jacente.
Durant deux heures et vingt minutes, il a demandé à ses huit comédiens de se comporter en véritables ivrognes !

 

Goutez-voir, oui oui oui, goûtez-voir, non non non, goûtez voir si le vin est boooooooon !


Diction plus ou moins pâteuse, débit soit ultra-rapide ou très lent, gestuelle permanente de poivrots (coup de chapeau à tous les huit, qui à quelques exceptions près ne restent jamais immobiles, titubant en permanence, presque en permanente rupture d'équilibre...), tous se livrent à une vraie performance.
(Certains spectateurs n'ont pas supporté ce jeu, partant au bout d'une dizaine de minutes.)

Oui, moi j'ai ri.
Parce qu'il est vrai que c'est facile et jouissif à la fois de rire d'ivrognes, mais surtout parce que le texte s'y prête, certaines formules étant drôlissimes, et parce que les comédiens sont tous excellents.

Rendant leurs personnages respectifs exubérants ou contrits, pitoyables ou flamboyants, gueulant ou murmurant à qui mieux-mieux, les comédiens m'ont enchanté. Chacun aura sa "grande scène".

J'ai une nouvelle fois particulièrement aimé le jeu de Camille Bernon, que j'avais tellement appréciée ici même à la Tempête l'an dernier dans sa troublante interprétation d'un personnage transgenre dans Change me.
En jeune prostituée idéaliste, Melle Bernon est épatante !

Je ne dirai pas qu'en sortant de la Tempête, j'entendais le chuchotement de Dieu dans mon cœur, ni que je pensais que dans la vie, l'essentiel c'est de ne pas se pisser dessus de trouille, mais en tout cas, j'étais certain d'une chose : j'avais assisté à un très bon moment de théâtre.
Un moment de théâtre qui ne peut laisser personne indifférent !

Alleeeeeeez ! Santééééééééé ! (Hips !)

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