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Légende d'une vie

(c) Photo Y.P. -

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Notre père qui êtes trop aux cieux, que votre nom soit démystifié !

 

Pas facile d'exister, lorsque vous êtes un jeune poète publiant son premier recueil, alors que votre père, récemment décédé, était une véritable institution littéraire, immense star dans son domaine.

Difficile d'exister par soi-même, difficile de se faire un prénom, difficile de se débarrasser de de l'écrasante figure paternelle. Une figure héroïque, géniale, sans défaut, sans tache, et encensée universellement.


Tel est le point de départ de cette pièce de jeunesse écrite par Stefan Zweig, écrite en 1919.
L'auteur va commencer à s'attacher à explorer les zones d'ombre de l'Humain, les dissimulations des choses, les mensonges, petits ou grands qui jalonnent les existences.


Il va également dans le cas présent disséquer une relation père-fils très complexe.
En effet, Friedriech, ce jeune poète débutant, va s'apercevoir que la statue du commandeur paternelle est en fait un colosse aux pieds d'argile.


Le père a « fauté », si tant est que ses agissements relèvent de la transgression de l'ordre moral en vigueur en ce début de XXème siècle, époque à laquelle se déroule l'action.
La faute a été dissimulée jusqu'au jour où Clarissa, la secrétaire-biographe du génie disparu décide de soulager sa conscience.


Friedriech va enfin comprendre que son père n'était pas ce que son entourage prétendait qu'il fût.
La figure du père sera complètement désacralisée et le fiston pourra enfin exister.


Carole Rainette a d'une part traduit la pièce et l'a surtout adaptée.
Ce genre de démarche peut s'avérer très risqué. En gros, ça passe ou ça casse.
Ici, le risque a complètement payé.


De six personnages, elle a réduit la distribution à deux, Friedriech et Clarissa, et a élagué avec une grande pertinence le texte, tout en lui conservant sa substantifique moëlle.
Avec un parti-pris très judicieux : rendre un personnage absent on ne peut plus omniprésent : l'épouse du génie, celle qui a orchestré sciemment la « pureté » et la « grandeur d'âme » de son écrivain de mari.


Melle Rainette, par ailleurs co-metteure en scène, joue le rôle de Clarissa, et Lennie Coindeaux , l'autre co-metteur en scène, interprète Friedrich.
Le comédien, notamment dans la première partie, est on ne peut plus convaincant en jeune homme complètement écrasé par l'image du pater familias.
On sent le découragement, la colère, l'étouffement, le poids trop lourd à porter.


Carole Rainette, quant à elle, aura une place plus importante dans le second « acte », la révélation de la vérité.
Elle aussi est très crédible, j'ai vraiment été pris par sa manière de nous dévoiler la part d'ombre, la « trahison » et la dissimulation originelles.


Ces deux-là forment un véritable duo de théâtre, équilibré, fonctionnant pleinement et faisant émerger très finement les ressorts psychologiques de leur personnage.


La mise en scène est efficace, sobre, avec utilisation d'un moment video destiné, je cite « à faire le lien avec le passé de l'intrigue ». Des extraits de vieux films et une voix off prennent le relais de la lecture d'une lettre.
Je dois avouer que ce n'est pas le moment qui m'a le plus passionné.


Je ne saurais passer sous silence la voix off de Patrick Poivre d'Arvor, voix d'un journaliste questionnant Friedriech.

Une nouvelle fois, l'ex-présentateur du JT de TF1 confirme que Comédien, même avec une seule voix off, c'est un métier. Comprenne qui veut, comprenne qui peut.


Il faut mentionner que la fin de la pièce est très positive, les personnages sortant tous les deux victorieux de cette confrontation avec des absents et le passé qui y est associé.


C'est donc un moment bien intéressant de théâtre qui nous est proposé, avec une vision à la fois claire et originale d'une pièce qui n'est pas si souvent montée que ça.

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