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Poussière

(c) Photo Y.P. -

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T'as d'beaux vieux, tu sais ?
Non, ils ne sont pas beaux, les vieux de Lars Noren !
Dix personnes âgées en quête de hauteur...


Ces vieillards-là se retrouvent dans un lieu de villégiature qu'ils fréquentent depuis de nombreuses années.
Une station balnéaire décrépie. Une plage pleine d'immondices.


Le symbole d'une vie passée, de tourments, de rancoeurs et d'échecs qui hantent encore et toujours ces représentants du quatrième âge.


La vieillesse vue par Lars Norén est faite de décrépitude, de déchéance, de souffrance.


Nous voyons des vieillards indignes, des vieux cons, aux propos on ne peut plus réactionnaires, parfois racistes.

Leurs phrases assassines, perfides, acérées nous font rire. Nous rions comme pour tenter de masquer le malaise.
A cet égard, Danièle Lebrun et Bruno Rafaëlli sont juste parfaits, dans ce registre d'aigreur puissance mille.


Il y a des vieillards obsédés par les animaux.

Combien en connaissons-nous de ces papis-mamies pour qui ne compte que la souffrance animale, reléguant bien loin derrière celle de l'Humanité.


Il y a le personnage d'Anne Kessler, centrée exclusivement sur elle-même, lisant et relisant un journal de 1961, car ne s'intéressant à rien d'autre.

Elle se veut élégante, raffinée, parfois donneuse de leçons, hautaine, mais elle est exactement comme les autres.
Aussi pathétique.


La faucheuse, la camarde est omniprésente, qui veille, qui rôde, et qui, par vagues successives matérialisées par des rideaux de tulle, va en emporter plus d'un, à commencer par un pasteur. Comme quoi...


Il y a également cet homme en fin de course qui n'a d'autre possibilité que de revenir en enfance.
C'est Hervé Pierre qui s'y colle. Ce qu'il fait sous nos yeux m'a bouleversé.
A la sortie, des spectateurs étaient très choqués justement par ce qu'il fait, mais nous sommes en présence d'une réalité : la vieillesse, ça peut être choquant, ça peut être difficile, ça peut être insupportable.


Lars Noren nous l'assène, ce message désabusé, impitoyable, sans concession.
Quelle que soit la classe sociale, la fin de vie, c'est souvent éprouvant, monstrueux.


Ce qui se déroule sur le plateau est complètement dénué d'optimisme, ces vieux-là en bavent, au propre comme au figuré.


J'aurai garde d'oublier deux jeunes, néanmoins, au milieu de cet EHPAD à ciel ouvert.
Françoise Gillard incarne une jeune fille handicapée mentalement, très peu aimée (c'est un euphémisme) par sa vieille mère. (Martine Chevallier, excellente !)
Et puis un gamin qui court partout, sans véritable but.
Pour Noren, la jeunesse en contrepoint à la fin de vie n'est guère brillante non plus.


Il faut dire aussi que les relations conflictuelles entre parents et enfants font partie de ses thèmes de prédilection, sans oublier les moments de violence qui seront parfois également présents sur la scène.


L'auteur-metteur-en-scène a écrit ce texte spécialement pour la troupe de la Comédie Française.
Une nouvelle fois les pensionnaires et sociétaires sont remarquables dans des partitions difficiles, avec des successions de petites phrases définitives, sans véritable intrigue, sans ressort dramaturgique évident.


Tous m'ont à nouveau enthousiasmé et impressionné par cette capacité à s'imprégner d'un texte difficile, et à en tirer une vérité, une universalité bouleversantes et une vraie humanité. (Même si cette humanité peut être parfois répugnante.)


C'est une nouvelle leçon ! Un spectacle incontournable qui ne laisse personne indifférent !

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