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Toute ma vie j'ai fait des choses que je savais pas faire

(c) Photo Y.P. -

(c) Photo Y.P. -

Lorsque l'on se trouve devant un type allongé par terre, complètement immobile, avec un gros trait blanc épousant les formes de son corps, on peut raisonnablement penser que le type en question n'est pas en train de faire la sieste.


C'est la situation qui nous attend sur le plateau de la salle Roland-Topor.
On devine ce qui s'est passé, nous allons apprendre comment ça s'est passé.


Et surtout, nous allons devoir répondre à de vraies questions qui seront posées à chacun d'entre nous.


C'est l'histoire d'une agression.
C'est une histoire ultra-violente. (Avec Beethoven parfois en fond sonore, impossible de ne pas penser à « Orange mécanique ».)
C'est une histoire baignée par la peur.


Dans un très joli mouvement arrière de reptation sur le ventre, le type se met à bouger pour prendre une position foetale.
C'est Juliette Plumecocq-Mech qui l'interprète, ce gars qui ne quittera pas le sol.
Et alors ? Ici, nous sommes devant un personnage complètement asexué. Un personnage qui pourrait être n'importe qui, vous, moi, n'importe qui, vous dis-je.


Elle va nous raconter. Comment c'est arrivé.
Elle va dire la violence, les mots durs, dans une sorte de logorrhée implacable.


Dans un bar, un homme s'est mis à abreuver le personnage sur scène d'injures et de gestes homophobes.
Ce personnage est resté pétrifié, il a eu peur.


Se déroule devant nos yeux et nos oreilles le récit halluciné de la violente agression.
Comme à l'accoutumée, les mots de Rémi de Vos font mouche, l'auteur nous balance des formules coup de poing dont il a le secret. Le texte est souvent glacial, parfois férocement drôle.
Dans la salle, c'est une alternance de silence absolu et de rires appuyés.
Nous sommes véritablement pendus aux lèvres de la comédienne.


Ce que va faire Juliette Plumecocq-Mech relève de la véritable prouesse artistique et physique.
Pendant presque une heure, elle ne quittera pratiquement pas la station allongée.
Une véritable chorégraphie, voulue par le metteur en scène Christophe Rauck, va se dérouler.


Elle dira son texte allongée en prenant des poses tout en tension, contractant en permanence les muscles abdominaux, disant le texte dans cet état de tension maximum. Le corps est en souffrance permanente.
On comprend aisément pourquoi sa voix est amplifiée par un micro hf !

Lorsque elle frappe le sol, un effet d'écho numérique intensifie la situation.

C'est du grand art ! C'est prodigieux !
Je souffrais pour elle, je compatissais à ce qu'elle devait endurer.
Claire Richard, la chorégraphe, lui a demandé vraiment beaucoup.


Bien entendu, cette tension permanente est en totale adéquation avec le texte.


Voici donc un moment de théâtre important.
C'est l'un de ces spectacles qui nous pose de vraies questions rendues essentielles, de par les actualités plus ou moins récentes.


Comment réagirions-nous face au type d'agression décrite ici ? (Vous aurez compris que je ne m'étendrai pas sur les faits, volontairement.)
Aurions-nous peur, nous aussi ?


Et quel genre de peur ?
La peur légitime, pour reprendre les mots de la comédienne, ou une terreur complètement paralysante, qui empêche toute réaction ?


C'est un spectacle fort, qui interpelle chacun de nous.


Rémi de Vos, Christophe Rauck et Juliette Plumecoq-Mech nous assènent un véritable uppercut.
Oui, décidément oui, il est des chocs vraiment salutaires !

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