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Michel-Ange et les fesses de Dieu

(c) Photo Y.P. -

(c) Photo Y.P. -

Mais pourquoi donc personne avant lui n'avait songé à mettre en scène et monter sur un plateau de théâtre l'affrontement entre ces deux hommes hors du commun que furent Michel-Ange et le pape Jules II ?


Lui, c'est Jean-Philippe Noël, l'auteur de ce magnifique texte, qui, en plus de nous conter cette confrontation-là, va nous plonger de la plus intelligente des façons dans les rapports existant entre l'art et le pouvoir politique, et va nous imprégner de la dépendance réciproque qui peut s'instaurer entre un artiste et son mécène-mentor.

 

L'entreprise littéraire de Jean-Philippe Noël, née dans le bureau de la rédac-chef des Cahiers de Science et Vie qui réfléchissait sur un papier concernant les pouvoirs du Vatican, cette entreprise-là aurait pu n'être qu'un simple biopic de docu-fiction.


Ici, c'est beaucoup plus. Il s'agit véritablement d'une pièce de théâtre, avec tous les mécaniques et ressorts dramatiques que cela implique. Nous allons être partie-prenante de ce qui va se jouer sur scène, grâce aux fameux principes dramaturgiques souvent énoncés ici-même.


Nous voici donc sous la voûte de la Chapelle Sixtine. Huit cents mètres carrés « de plafond à barbouiller », pour reprendre les mots mis dans la bouche du héros, qui sa vie durant, ne cessa de se considérer avant tout comme un sculpteur.


Ce texte somptueux va être servi par un trio de comédiens exceptionnels.
Oui, j'ai pesé cet épithète. Exceptionnels.


Jean-Paul Bordes est Michel-Ange.
C'est également lui qui met en scène.
Avec un judicieux choix d'alternance d'horizontalités et de verticalités.
L'horizontalité, c'est le sol, la terre, les contraintes matérielles, le tout-venant.
La verticalité est rendue possible par un magnifique échafaudage inclus dans la scénographie dûe à Nils Zachariasen.
Michel-Ange-Bordes sera donc sujet à une véritable élévation. Vers l'Art, vers le sublime, vers Dieu.
Tout ceci fonctionne admirablement.

 

Le comédien est totalement crédible, doutant, murmurant, hurlant, en écorché vif, en artiste paranoïaque. Il est cet immense peintre, orgueilleux ou rongé de doute quant à son talent, désespéré face aux éléments météorologiques qui menacent sa fresque.
C'est une remarquable composition que nous livre celui dont j'avais adoré la très récente partition dans l'Amphitryon de Molière, mis en scène par Stéphanie Tesson.


Jean-Paul Comart est quant à lui un épatant Matteo, le valet, le laquais, le souffre-douleur du Maestro.
Tel un Sganarelle du cinquecento, ce valet-là nous procure bien des rires, avec son franc-parler, sa jugeotte et son esprit de répartie.
M. Comart est impeccable dans cette interprétation. Il nous ravit par sa verve, par ses expressions outrées ou apeurées.
C'est bien souvent lui qui déclenche les rires. Car l'on rit énormément. Les bons mots fusent, ainsi que les formules hilarantes.
C'est une autre grande réussite.


Tout comme est réussie la fabuleuse interprétation de ce pape guerrier et paillard par François Siener.
Quel pape ! Quel Jules !
Ses interventions sont grandioses.


Quelle présence, quel charisme, quelle voix, quelle diction !
Pour en imposer, il en impose, que ce soit en « rouge et blanc », en simarre mauve ou en soutane immaculée aux grandes manches. (C'est l'occasion pour moi de saluer le très beau travail de la costumière Pascale Bordet!) 
François Siener se montre tour à tour tonitruant, charmeur, enjôleur, fourbe, machiavélique ou innocent.
Sa dernière intervention est déchirante.

On l'aura compris, ce spectacle est un total enchantement.

La scène du théâtre 14 est plongée dans un véritable état de grâce.
C'est d'ores-et-déjà un incontournable de cet hiver !

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