Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Marco Polo et l'hirondelle du Khan

(c) Photo Y.P. -

(c) Photo Y.P. -

On ne change pas une équipe qui gagne !
Après nous avoir ravis les saisons passées en adaptant le roman de Joseph Kessel « Les Cavaliers » (le molière fut ô combien mérité), Eric Bouvron nous propose un nouvel immense et intense dépaysement.
Voyage, voyage !


Dépaysement géographique : nous voici transportés en Mongolie et en Chine.
Dépaysement historico-temporel : nous allons rencontrer, certes Marco Polo, comme le titre de la pièce l'indique, mais peut-être surtout Kublai Khan, le tout puissant monarque, petit-fils du Gengis tout aussi Khan.


Mais avant cette rencontre entre ces deux figures légendaires, nous allons écouter pour notre plus grand plaisir quatre talentueux musiciens.


Tout d'abord, Didier Simione, aux loops et autres samples numériques, plonge la salle dans une sorte d'hypnotique ambiance musicale.


Puis, deux musiciennes originaires de Mongolie le rejoignent : Ganchimeg Sandag et Bouzhigmaa Santaro nous immergent dans la culture de leur pays. Embarquement immédiat pour Oulan Bator !
Elles nous proposent notamment un merveilleux chant diphonique, dans lequel la voix est en même temps doublée de suaves harmoniques. Une technique très difficile à acquérir et maîtriser !


Elles jouent également du morin khuur, la vièle à tête de cheval et du shanz, sorte de guitare à trois cordes.
Les trois seront rejoints par Cécilia Meltzer très talentueuse mezzo-soprano, qui vient mêler son chant occidental à la musique orientale.
Nous voici donc d'ores et déjà dans le mélange des cultures.
Ce mélange est en effet l'un des plus puissants ressorts de la pièce.


Une rencontre de deux hommes.
Le puissant comédien Laurent Maurel est le Khan qui reçoit le jeune Marco, voyageur vénitien interprété hier par l'épatant Kamel Isker, que j'avais tant adoré dans le Scapin mis en scène par Jean-Philippe Daguerre.

Choc culturel, donc, mais choc physique également.
Maurel est grand, puissant, charpenté, Isker à la voix de baryton-basse un peu cassée est quant à lui plus petit, plus fin, plus délié.
Le contraste est très intéressant. Les deux sont impeccables, chacun dans leur beau rôle.

On s'en doute, l'affrontement sera inéluctable et sera déclenché par une autre rencontre, celle de Marco avec le sexe opposé, en l'occurrence avec la favorite de Kublai, la fameuse hirondelle du titre !
Non, on ne tombe pas impunément amoureux de l'épouse préférée du Khan.

Il y aura donc un prix à payer !


Cette épouse est interprétée de bien belle et bien sensuelle façon par la très jolie Jade Phan-Gia, qui nous enchante.


Il serait évidemment illusoire de s'attendre à un texte aussi puissant que celui de Joseph Kessel.
Non, ici, il faut surtout se laisser porter, se laisser aller et se laisser envoûter par la magie orientale, les senteurs (la fumée de scène est délicieusement parfumée), par les splendides costumes et les instruments traditionnels.
Nous sommes presque des spectateurs ethnographes, qui découvrons une histoire vieille de plusieurs siècles et pourtant tellement intemporelle.

Le décor et la mise en scène de Eric Bouvron sont épurés, et se suffisent à eux-mêmes.
Les comédiens et les musiciens sont suffisamment talentueux, ils n'ont pas besoin d'effets superfétatoires.


Voici donc au théâtre La Bruyère un vrai dépaysement, un billet aller-retour trop rapide pour les lointaines steppes, une plongée dans la Mongolie du XIIIème siècle.
Une histoire d'amour profonde.
Et comme le dit ce proverbe mongol :

« Nul ne connaît la profondeur de ce qui est dans le cœur de l'homme. »
 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article