25 Juillet 2025
Bienaimé, je suis le Bienaimé,
Les gens m’applaudissent tel que je veux bien me montrer…
Le Bienaimé. Daoud, en Arabe.
Daoud, le trompettiste franco-marocain qui va se faire beaucoup aimer par le public du Nice Jazz Festival.
Daoud, celui qui participe (ils sont finalement assez peu nombreux) à faire bouger les lignes du « jazz français », en créant une musique qui mélange et qui brasse plusieurs univers tout aussi réjouissants les uns que les autres.
Son premier album Good boy, celui où sur la pochette il tirait une tronche menaçante, sorti voici un peu plus d’une année maintenant, a attiré l’attention de tous ceux à l’affût de l’équivalent hexagonal de la scène musicale anglaise, qui mixe tellement d’horizons différents.
Avec ces dix premiers titres enregistrés Daoud a su se créer un monde bien à lui, qu’il développe pleinement sur scène.
Le musicien originaire de Lille sait ce qu’il doit à ses aînés, notamment à Erik Truffaz, à un certain Ibrah, ou encore à Stéphane Belmondo (il jouera tout comme lui de la trompette et du bugle.)
Il a pleinement intégré un héritage à la fois technique et jazzistique, qui lui permet de développer tout un discours passionnant et tout à fait personnel.
Une dimension électronique enveloppe ce discours-là, pour créer un univers à la pulsation de braise.
La rythmique était assurée hier soir par Quentin Braine à la batterie et le contrebassiste Rémi Bouyssière, bien connus des aficionados de la scène toulousaine.
Cette rythmique lorgne souvent du côté du trip trap, du trip hop, avec cette pulsation binaire caractéristique, avec une caisse claire sèche très présente.
La basse est assortie de pédales d’effets qui lui donnent un son très intéressant un peu distordu, un peu volontairement « sali ».
Nous sommes également parfois très proches de la scène électro, notamment grâce à Thomas Périer.
Le claviériste, aux prises avec son piano NordStage, son Prophet Sequential Circuits, et ses effets électroniques, distille de grandes envolées de nappes synthétiques, ainsi que des solos aux sonorités claires style Moog avec moult portamento.
Il jouera également beaucoup avec les boutons de ses pédales d’effet pour créer de multiples changements de phase ou des effets de filtres électroniques.
Le mélange des influences, vous dis-je !
Chez Daoud, tout participe de petits ostinatos à la trompette, des petites phrases, des petites « ritournelles » que nous pouvons reprendre et fredonner.
C’est notamment le cas sur le titre phare de l’album, à savoir Ford Focus 1999.
Je défie d’ailleurs quiconque de ne pas avoir envie de siffler ce petit riff à l’écoute de ce titre réjouissant.
Il y a une dimension itérative et répétitive, dans ce jazz-là.
Dans de longues plages musicales, le musicien répète ces petites phrases, portées par la rythmique et le côté électronique insufflé par les claviers.
Ne nous y trompons pas : Daoud à l’art du camouflage. Sous couvert de cette apparente simplicité mélodique, se cache une vraie dimension faite de complexité et de subtilité.
De riches harmonies viennent porter tout ceci, donnant des couleurs passionnantes et variées à chacun des titres interprétés.
Le musicien nous ravit par sa technique qui ne confine jamais à la démonstration. Hors de question de vouloir être celui qui joue le plus de notes à la minute.
Bien contraire : chaque note est ici pensée à sa juste valeur.
Une belle sonorité, suave et délicate, un ambitus et un registre importants, de remarquables nuances viennent envelopper tout ceci.
Le trompettiste troquera parfois ses instruments de cuivre pour retrouver un clavier micro-Korg, posé ou pas sur un pied. Il jouait du piano couché, pour parodier qui vous savez...
Daoud, celui qui cultive le décalage et l’art de la dérision.
Son entrée sur scène, portant une espèce d’ensemble de dentelles jaunes, aux petis nœuds-nœuds blancs sur les manches ne passe pas inaperçue.
Tout comme sa façon de s’agenouiller sur un retour durant le solo de contrebasse de Plato’s Twin, le premier titre du set.
Autre façon de se moquer du petit monde du jazz, ce petit monde qui voue un culte aux beaux thèmes, magnifiques et incontournables : au cours d’un titre, LPAM, le musicien nous le délivre ce thème-là : il s’agira du célèbre A la pêche aux moules !
Qui débutera un fascinant moment musical, d’une intense richesse…
Sur scène, ce qui devient de plus en plus rare par chez nous, le quatuor s’amuse, on sent cette envie de jouer palpable et manifeste. De nombreuses interactions se développent.
La façon qu’a Daoud de signifier telle ou telle reprise, ou l’arrivée de tel ou tel break, en donnant un coup de pied arrière à destination du batteur, cette façon-là est irrésistible…
Le trompettiste possède de plus un humour ravageur. Sa manière de jouer et de plaisanter avec le public entre les morceaux est jubilatoire.
Le nouvel album sortira très prochainement, fin août.
Nous avons d’ailleurs eu hier un un aperçu de quelques nouveaux titres.
Après avoir écouté le premier opus, et surtout assisté à son concert, Votre serviteur est des plus impatients de découvrir les nouveaux morceaux, d’autant que plusieurs invités sont attendus.
A suivre…
Les exigeants spectateurs du Nice Jazz Festival ont en tout cas bien compris hier qu’ils avaient assisté à un moment musical important, avec un jeune et talentueux musicien, créateur d’un jazz contemporain réjouissant et passionnant.