25 Juin 2025
C’est curieux ce besoin qu’ont les marins de faire naufrage !
Voici en effet que Scapin, le Second Quartier Maître de la Marine Nationale au béret à pompon rouge, et Pierrot, le Chief Master de l’Us Navy au bob plus ou moins immaculé se retrouvent sur une île mystérieuse.
L’île de Merlin, figurez-vous.
Là où le monde se renverse. Là où les valeurs et les usages sont pour le moins différents de ceux qu’ils connaissent en France en général, et à Paris en particulier.
La justice sociale, l’honnêteté et le bonheur y règnent en maître !
Nous apprendrons que dans cette île, les procureurs sont vertueux, les avocats ne mentent pas, les phisophes sont compétents et s’habillent correctement et les petits-maîtres respectent les femmes.
Une île dotée de son propre quotidien aux nouvelles réjouissantes. Jugez plutôt :
Un monde inversé, vous dis-je !
La grâce, la délicatesse, la jeunesse, l’humour, le talent, voici ce que nous réservent les élèves de l’Académie de l’Opéra Comique.
Oui, durant un petit peu plus d’une heure, nous allons nous délecter à suivre les aventures de ces deux jeunes et fringants naufragés, qui vont tomber amoureux de deux charmantes autochtones, et qui vont rencontrer moult personnages.
En 1758, Gluck crée cet opéra comique au théâtre du château de Schönbrunn, à Vienne.
Nous pensons évidemment très fort à Marivaux et son Ile aux esclaves. L’île étant comme il se doit au XVIIIème siècle un lieu propice à l’utopie et à l’amour.
C’est une version actualisée, aux dialogues très actuels, à la fois percutants et très drôles, avec des emprunts musicaux très contemporains, qui nous attend.
Guillemette Daboval et Sammy El ghadab, les deux directeurs musicaux de cette entreprise artistique, tous deux membres de l’Académie, ont opté pour un spectacle qui, tout en respectant la réduction au piano de la partition du compositeur, tendrait à basculer parfois vers un humour ravageur, et ce, pour notre plus grand plaisir.
Retrouver Joe Dassin, Henry Mancini, Little Willie John ou encore Francis Lai, tous côtoyant le grand Christoph Willibald, tout ceci a quelque chose de jubilatoire.
Nous rirons beaucoup de ces décalages et anachronismes musicaux.
A ce propos un énorme coup de chapeau à Flore-Elise Capelier, pianiste du spectacle, et par ailleurs Directrice des études musicales de la Maison, qui passe du classique au jazz ou à la variété française avec une égale aisance !
La mise en scène de Myriam Marzouki contribue elle aussi, par sa fluidité, son rythme jamais pris en défaut, son caractère percutant, à nous faire passer un excellent moment ici Salle Bizet.
Et puis bien entendu, sept chanteurs et un comédien vont eux aussi nous enchanter.
Energie, engagement total, capacité à jouer la comédie et à prendre à bras le corps leurs personnages respectifs, tous apportent leur précieuse pierre à ce bel édifice.
Le baryton Benoît Déchelotte et le baryton-basse québecois Dominic Veilleux sont ces deux marins naufragés, pratiquement présents en permanence sur le plateau.
Leurs duos respectifs avec Michèle Bréant et Fanny Soyer nous procurent beaucoup de bonheur.
Le quatuor dégage une vraie cohérence vocale, nous sommes pendus à ce que tous nous chantent et nous disent. (Il s’agit d’un opéra-comique, et je vous rappelle que la règle de cette forme est de comporter des dialogues parlés.)
Les quatre sont vraiment remarquables.
Tout comme Mademoiselle Léontine Maridat-Zimmerlin, qui interprète trois rôles.
La très jeune mezzo-soprano est purement et simplement époustouflante de talent, de technique vocale, d’espièglerie.
Ses trois rôles, avec changement importants de costumes et de perruques, m’ont impressionné.
Elle illumine le plateau à chacune de ses interventions !
Je lui ai dit le fond de ma pensée à l’issue de la représentation : je la sais promise à une très grande carrière.
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Le reste de la distribution est également épatant et irréprochable, avec un Ulysse Timoteo par ailleurs soliste à la Philharmonie de Paris. En interprétant ce philosophe et le rôle d’Hanif, il nous procure également beaucoup de plaisir.
Vincent Guérin campe quant à lui un Merlin qui aurait des faux airs d’un certain professeur Dumbledore. Son interprétation remporte également un vif succès.
Gulliver Hecq complète la distribution avec un rôle parlé. Il est parfait en rival d’un des deux marins.
Au final, les adultes présents dans la salle, ainsi les élèves de l’école élémentaire Boileau, de Montrouge ont réservé une ovation à ce spectacle. Et ce n’est que justice.
La grâce, le talent, la délicatesse, le plaisir étaient donc au rendez-vous, une nouvelle fois, Salle Favart !
Je vous conseille vivement d’aller applaudir ces Académiciens et leurs camarades. Vous ne le regretterez pas !
C’est un remarquable spectacle, dont la fraîcheur et la très grande qualité font beaucoup de bien en ce moment !
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L'Île de Merlin ou Le Monde renversé
Conte magique et philosophique, L'Île de Merlin ou Le Monde renversé est un opéra-comique en un acte composé par Christoph Willibald Gluck et créé à Vienne en 1758. Le livret, en langue fran...
https://www.opera-comique.com/fr/spectacles/l-ile-de-merlin-ou-le-monde-renverse