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Faust

© Photo Y.P. -

© Photo Y.P. -

Quoi d’neuf, Docteur ?

Diable, mais quelle magistrale réussite !
Et surtout quelle redécouverte !

Oui, le projet de Louis Langrée était simple : nous faire redécouvrir le chef d’œuvre de Charles Gounod, l’opéra le plus joué au monde, avec Carmen.

Le patron de l’Opéra Comique a entrepris en effet de nous donner la toute première version de Faust, à savoir celle créée au Théâtre Lyrique, sous la forme d’un opéra comique.
Et en 1859, cette forme comportait des dialogues parlés, qui seront remplacés pour la version finale à l’Opéra de Paris par des récitatifs chantés. (Hors de question à l’Opéra d’avoir des dialogues.)

Et puis bien entendu, nous faire entendre la version initiale, c’est également nous proposer de nous rapprocher au plus près des intentions premières du compositeur et de ses librettistes, Michel Carré et Jules Barbier.

Alors évidemment des airs seront absents, comme par exemple la postérieure Ronde du Veau d’or, Avant de quitter ces lieux chanté par Valentin, tout se réduira à quatre actes au lieu de cinq.
Mais nous aurons droit à bien d’autres « trésors passés à la trappe », comme notamment le retour des cloches, à la tout fin de l’œuvre, ou celui de l’orgue. (Faut-il encore rappeler que Gounod était organiste de formation?)

Louis Langrée sera à la baguette, retrouvant ainsi son « vrai » métier.
Durant les quelque trois heures et cinquante cinq minutes (entracte compris) que durera le spectacle, à la tête de l’Orchestre national de Lille et du Chœur de l’opéra de Lille, il va nous enchanter, grâce à sa profonde connaissance de l’œuvre, et surtout son art de diriger ses troupes.
Quelle ampleur, quelle amplitude, quelle tension, quelles nuances, quelle richesse va-t-il donner à la partition !
Par moments, comment ne pas ressentir des frissons en entendant cette magnifique pâte sonore, ces accords majestueux ou ces délicates et douces phrases musicales, à la limite de l’audible.

Il a su parfaitement articuler musique, chant et dialogues parlés.
Ici, tout est fluide, tout est « naturel », tout s’enchaîne (et parfois s’imbrique) à la perfection.
Du grand art !

 

© Photo Simon Gosselin

© Photo Simon Gosselin

Avec cette version recréée en 2018 par le Palazetto Bru Zane, le Centre de Musique Romantique française, Denis Podalydès à la mise en scène et Eric Ruf à la scénographie ont fait en sorte de ne pas céder à la tentation de la « grosse machine ».
Ici, c’est bien cette homme et cette femme qui sont au centre de tout.
Faust et Marguerite sont les deux héros, et tout est bâti autour d’eux. Une version resserrée sur ce couple maudit, et sur l’infanticide.

Tout est basé sur le cercle. Circassien ? Un cirque macabre alors, un cirque qui dirait la malédiction et le mythe de Faust.
Le grand rond de lumière au sol, la guirlande circulaire qui descend à plusieurs reprises, et surtout la tournette qui permette des effets de marche sur place ou de changements de décors très judicieux...
La forme circulaire, l’enfermement également. Le cercle infernal.

Des meubles descendront des cintres, (notamment une armoire, on se souvient du Bajazet du futur-ex-patron de la Comédie Française), cinq grands panneaux et des gradins amovibles permettront à la scénographie d’évoluer, comme un ballet fantastique, permettant aux chanteurs, danseurs et comédiens de s’exprimer.

Et de quelle façon !
Une distribution de rêve a été réunie, à commence par le Faust de Julien Dran (on se souvient de son beau Gaston, dans La Traviata, en 2019) et la Marguerite de Vannina Santoni (qui fut une remarquable Pamina, à Bastille, ainsi qu’une épatante Agnès, dans la Nonne sanglante, ici même salle Favart.)

Le ténor et la soprano vont nous enchanter. Purement et simplement.
C’est bien simple, leurs airs seront systématiquement ovationnés.
On ne peut que se prendre de passion pour ce que les deux artistes nous chantent, et nous interprètent.

© Photo Y.P. -

© Photo Y.P. -

Méphistophélès, c’est Jérôme Boutillier, bien connu également des fidèles de ce site. (Il fut un remarquable Duc de Vérone dans le Roméo et Juliette mis en scène par Thomas Jolly à l’Opéra-Bastille.)
Le baryton va lui aussi va faire des merveilles, campant un Satan mâtiné de Monsieur Loyal funeste.
Il est pratiquement flanqué en permanence de démons, interprétés par deux comédiens, (Alexis Debieuvre et Léo Raynaud), affublés d’un chapeau melon, nous faisant ainsi penser aux droogies d’Orange mécanique. C’est très bien vu !

Quel bonheur de retrouver Marie Lenormand et sa vis comica, sa merveilleuse force comique.
Elle campe ici une Dame Marthe très drôle, en ayant placé le curseur à son exacte position.
Une nouvelle fois, la mezzo est irréprochable et nous ravit à chacune de ses apparitions.

Tout comme Lionel Lhote et Juliette Mey, respectivement Valentin et Siebel. Leurs airs sont eux aussi remarquables.

Il faut encore cette fois-ci saluer la direction d’acteurs de Denis Podaydès : ici, tous les chanteurs et chanteuses sont toujours au plus juste, y compris en parlant, parfois fort longuement.
Nous sommes totalement dans une veine naturaliste et dans un sentiment de totale vérité.

Je n'oublierai pas de mentionner la chorégraphie très réussie de Cécile Bon, (notamment dans la scène du sabbat, comportant une jubilatoirerévision du Kamasutra), avec les deux danseuses Julie Dariosecq et Elsa Tagawa.

N'oublions pas non plus de tirer un nouveau coup de chapeau à Louis Arène, pour la création de ses masques, permettant notamment à Faust de rajeunir en une seconde... C'est très réussi, et très beau.

Une nouvelle fois, encore et toujours, les costumes de Christian Lacroix sont magnifiques. Cette fois-ci, à la différence de ceux du Soulier de Satin, au Français, les robes, les manteaux, les uniformes sont plutôt stricts, mais tellement signifiants et subtils.
A ce titre, le costume de Marguerite, dans la scène de l’échafaud nous fait également frissonner. (Et non, vous n’en saurez pas plus !)

Faut-il s’étonner qu’un tonnerre d’applaudissements, des « Bravo ! » on ne peut plus sonores, bref un véritable triomphe, attendent les interprètes au moment des saluts ?

Ne manquez pas cette admirable et passionnante redécouverte.
Un Faust comme vous ne l’avez jamais vu ni entendu !

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