Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Pharaon. Akhenaton le maudit

© Photo Y.P.

© Photo Y.P.

Dis-moi combien de dieux tu honores, je te dirai qui tu es.

Sur la scène, nous attendant à cour, le Skhemty, le double couronne, symbole du pouvoir du Pharaon.
La mitre blanche, le Hedjet, représentant le sud de l’Egypte, hommage au dieu Seth.
Le couronne rouge, la Décheret, que l’on associe au dieu Horus.
Bienvenue à Akhetaton, l’actuelle Armana. Nous sommes aux alentours de 1337 avant Jésus-Christ.

Les dieux ?
Deux ? Et pourquoi pas un seul ?

Celui qui pénètre à jardin, en contre-jour, celui-là est Akhenaton. 
Le Pharon. Le monarque absolu.

© Photo Y.P.

© Photo Y.P.

Cet homme de 27 ans qui se définit lui même comme un fanatique de Dieu (au singulier, et pour cause…) cet homme qui n’a plus qu'à vivre quelques minutes de règne est venu nous dire la vérité.
Sa vérité, avec les contradictions qui vont avec.
Dans quelques minutes, un coup d’état va avoir lieu.

Akhenaton va payer très cher le fait d’avoir institué le culte monothéiste du dieu Aton, en interdisant celui du dieu Amon, ainsi que les idoles et les images associées, y compris les images animales.
Une véritable révolution dans cette Egypte antique.
Au passage, il s’agissait également de lutter contre la corruption des prêtres d’Amon, qui gangrenait le royaume.
(A ce sujet, le Pharaon nous mettra nous-mêmes en garde contre ce fléau. Je vous laisse découvrir, l’allusion est des plus pertinentes...).

Ce faisant, avec ce changement de paradigme religieux, il a également révolutionné l’expression artistique de son temps en demandant aux artistes de créer un sentiment de réalité notamment dans les représentations picturales du monarque.

© Photo Y.P.

© Photo Y.P.

En imposant ce culte du dieu unique, cet homme se verra délaissé par sa première épouse, la célèbre Nefertiti, qu’il aime passionnément, ce qui l’éloignera ainsi de son fils Toutankhamon.

Alexandre Delimoges est un archéologue contrarié.
Ce n’est pas moi qui le dit, mais bien lui, qui a dû bifurquer dans la carrière théâtrale et dramaturgique.
Cet homme est un passionné d’Histoire.
On se souvient de son formidable spectacle consacré à Gustave Eiffel. C’était ici.

C’est donc à ce Pharaon maudit qu’il a consacré ce spectacle intense, qui, en une heure et quart nous dresse un passionnant portrait psychologique et humain d’un homme considéré y compris par Sigmund Freud comme l’un des pères, sinon Le père du monothéisme.
(On pourra se référer au dernier ouvrage du découvreur de la psychanalyse, Moïse et le monothéisme.)
Un pharaon dont on reprend des textes dans la Bible même.

Le comédien est nu-pieds, dans un magnifique costume créé par Jef Castaing.
Dans cette tunique et ce pantalon immaculés recouverts d’un manteau léger probablement en lin, il campe avec à la fois une impression de puissance et de fragilité ce personnage singulier, qui devait bien un jour être évoqué sur un plateau de théâtre.

On ne peut être qu’impressionné par l’interprétation d'Alexandre Delimoges de cet homme probablement atteint d’un trouble métabolique, l’homocystinurie. (Ceci expliquerait notamment sa grande myopie, comme nous le constaterons dans la pièce.)

Devant nous, le comédien nous montre un homme sujet à des moments d’exaltations et d’abattement, presque bipolaire, et enclin à se croire persécuté.
En ce sens, ce personnage est des plus complexes à interpréter.
Mis en scène par Robert Kiener, Alexandre Delimoges en fait une sorte de type à la fois exalté ou abattu, à la gestuelle alambiquée, aux regards souvent amusés ou terrorisés.
J’ai perçu un sentiment quasiment burlesque dans tout ceci, comme sait si bien l’interpréter le comédien britannique Rowan Atkinson.

Pour autant, s’il nous fait sourire, le comédien est souvent bouleversant, en nous faisant parfaitement passer les convictions et la sincérité du personnage profondément convaincu du bienfait de son action politique.

Ce spectacle, qui nous présente un homme « hors du commun », nous plonge donc dans un monde fascinant.
D’autant que selon l’égyptologue Ashraf Sadek, ci-devant Inspecteur honoraire des antiquités et Professeur d’Université, « cette fresque historique respecte scrupuleusement la vérité historique ».

Il faut donc aller applaudir Alexandre Delimoges.
On ressort de cette heure et quart profondément marqué par ce spectacle qui nous présente cet homme tourmenté, en proie à l’exaltation et au doute.
Ce seul en scène historique fait partie de ces entreprises artistiques on ne peut plus réussies, à la fois en terme de fond et de forme.

© Photo Y.P.

© Photo Y.P.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article