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Les ballets Sémiramis et Don juan - Jordi Savall et le Concert des Nations à l'Opéra Comique

© Photo Y.P. -

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En coproduisant ces deux ballets du compositeur Christoph Willibald Gluck, Louis Langrée et l’Opéra Comique nous plongent durant près de deux heures dans un monde de grâce absolue.

Oui, la grâce. Celle qui vous emporte dans des contrées à la fois oniriques et magnifiques.
Dans un univers de perfection à la fois musicale et chorégraphique.

Comme il avait raison Gluck, qui réforma purement et simplement l’art du plateau, que ce soit en matière d’opéra ou de ballet, avec la volonté d’introduire dans les productions musicales de l’époque du naturel, de la vérité, du vérisme, pourrait-on presque dire.

De plus, il était alors question de faire de la danse un véritable langage narratif.
Que deux chorégraphes contemporains puissent encore et toujours s’emparer des deux figures légendaires que sont Sémiramis et Don Juan avec leur propre vision et leur propre discours, ceci montre combien le compositeur avait visé juste.

Une légende de la musique baroque rejoint dans la fosse d’orchestre ses musiciens du Concert des Nations.
Jordi Savall nous salue humblement, sa chevelure et sa barbe blanches contrastant avec sa tenue noire.
Une salve d’applaudissement lui est adressée. Quoi de plus normal…

Et nous de savourer, dès les premières mesures de la première partie du programme de la soirée, la suite d’orchestre d’Iphigénie en Aulide, la merveilleuse pâte sonore de cet ensemble baroque, peut-être l’un des plus talentueux et inspirés de la planète.
Et nous de retrouver la sonorité des instruments d'époque, un peu « verte », mais tellement réjouissante et stimulante.
Et nous de nous rendre une nouvelle fois compte de la précision du travail de direction de Jordi Savall, avec cette formidable économie de moyens dans la gestuelle.

Sémiramis.
La reine assyrienne que le chorégraphe Angel Rodriguez transforme en un être « métamorphique », représentant toutes les femmes.
Ici, sa destinée, interprétée par quatorze danseurs en tenue rouge-sang, cette destinée se déroulera devant nous, évoquée par le mouvement dansé, bien entendu, mais également grâce à une gigantesque tapisserie, se déroulant de haut en bas, doucement, imperceptiblement, durant le ballet.
Ici, point d’intrigue, mais une sorte d’abstraction permettant au mouvement chorégraphié de nous procurer beaucoup d’émotions.

Les danseurs/danseuses « naîtront » de ce tissu, que nous verrons par la suite prendre la direction des cintres. L’effet est magnifique, et symbolise parfaitement cette destinée hors du commun qui se déroule devant nos yeux.
Comme si le temps était symbolisé et personnifié par cette gigantesque toile montante.
Une trame pour le drame.

Angel Rodriguez a privilégié les mouvement latéraux, pour contrebalancer cette immense verticalité ascendante.
Les membres du ballet du Capitole nous ravissent et nous fascinent.
La chorégraphie est basée sur un opposition de moments dansés en couples, et d’instants où les quatorze artistes évoquent ensemble la destinée de cette femme hors du commun.
Cette dernière configuration terminera d’ailleurs le ballet, par une sorte de pyramide humaine qu’escaladera la reine, pour mieux se jeter ensuite dans le vide.
C’est d’une beauté sidérante.

© Photo Y.P. -

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Don Juan.
Le second ballet va lui aussi nous émerveiller.
Là encore le rouge sang des costumes. Comme pour bien nous rappeler le destin tragique de ces deux figures mythiques.

Cette fois-ci, c’est le chorégraphe Edward Clug qui officie.
Le chorégraphe roumain situe l’action du drame dans un espace scénique structuré autour de quatre éléments mobiles manipulés par les danseurs eux-mêmes.
Des éléments faisant penser à de grands moucharabiehs, qui permettront de créer une impression un peu mystérieuse, avec des moments où les corps seront vus à travers ces ouvrages grillagés.
Nous assisterons donc aux transgressions des normes sociales et des lois divines en étant souvent placés presque en situation de voyeurs. Le propos est tout à fait épatant.

Edward Clug nous propose de sublimes images, dans une chorégraphie qui nous permet de mettre en perspective ce que nous savons de cette histoire.
En effet, de par l’universalité du personnage, il était impossible de contourner l’aspect « histoire », avec son début et surtout sa fin très attendue.

Devant nous, nous assistons à un passionnant discours dansé du désir, de l’envie charnelle. Une sensualité règne en permanence, avec une dimension quasi érotique. Les corps s’attirent, s’étreignent, des suggestions tout à fait subtiles sont évoquées.

Les trois personnages principaux sont interprétés avec beaucoup de force et de grâce.
Le demi-soliste brésilien Alexandre de Oliveira Ferreira est un Don Juan sculptural, fascinant et séducteur au possible.
La danseuse étoile cubaine Marlen Fuerte Castro interprète une Donna Elvira qui ne s’en laisse pas compter, et qui sait tenir tête à cet homme.
Les deux artistes sont passionnants à regarder, leur beauté, leur grâce, leur talent servent au mieux la chorégraphie sensuelle de Clug.

Et puis une dimension humoristique est apportée par le Sganarelle de Kleber Rebello. Les duos maître-valet sont réjouissants et souvent amusants. (Ah ! Cette tape sur les fesses signifiant le congé du serviteur…)

Le Commandeur et sa statue seront évoqués de façon inattendue mais tout à fait convaincante, dans une dimension de puissance solennelle tout à fait appropriée.
Là encore le parti-pris fonctionne pleinement, créant un magnifique onirisme au service du propos narratif.

Au final, nous applaudirons longuement les danseurs et les musiciens. Les « Bravo ! » fusent, les mains frappent en rythme, nous manifesterons bruyamment notre enthousiasme.
Une soirée de grâce permanente, vous dis-je !

© Photo Y.P. -

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