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Saison de porcs

© Photo Y.P.

© Photo Y.P.

Quelques jours après que le président de la République français ait annoncé la création d’une commission binationale chargée d’étudier les effets de l’indemnité imposée en 1825 à Haïti par la France, hasard des calendriers éditoriaux, Gary Victor, le dramaturge et romancier haïtien le plus lu dans son pays nous propose un savoureux polar.

Ce faisant, grâce à un héros on ne peut plus attachant malgré ses défauts totalement assumés, l’auteur nous dresse un tableau quasi sociologique de cet Haïti contemporain, gangréné par une plaie endémique : la corruption généralisée.

L’inspecteur Dieuswalwe (avec deux W, il y tient beaucoup…) Azémar est probablement l’un des rares flics intègre de l’île.
La majorité de ses collègues, qui tous sont plus ou moins ripoux, à des degrés plus moids importants, le tiennent évidemment en piètre estime.
D’autant que Dieuswalwe Azémar est un poivrot notoire…
Cet alcoolisme est-il causé par le fait qu’il doit se démarquer constamment de ses collègues corrompus et du milieu politique qui ne vaut guère mieux ? Allez savoir…

Une fois rencontré, cet Inspecteur Azémar devient inoubliable !

Le fier, intègre et altruiste policier a une fille, Mireya, qui fréquente une étrange institution religieuse, dirigée par de singulières nonnes… Je n’en dis pas plus...
En passe d’être retirée de la garde de son père, elle aura une importance considérable dans la résolution finale de l’enquête.

Il a également un adjoint, l’agent Colin, à qui il va arriver une étrange mésaventure : après avoir lui aussi basculé du côté obscur de la farce tragique de la corruption, le voici qui se transforme inexorablement en… porc. Oui oui, en cochon, en goret !

L’enquête peut débuter…

Et nous de nous retrouver dans un polar qui mêle plusieurs genres. Cette enquête haletante relève à la fois de la sociologie politique, mais aussi du fantastique.

Le vaudou !
N’oublions pas l’importance du Vaudou dans la culture et le philosophie haïtiennes.
Tout au long des cent-soixante-seize pages du livre, une atmosphère à la fois étrange et jubilatoire règne, à mesure que Colin se « cochonnise »…

Dès les premières pages, on ne peut qu’être fasciné par cette impression à la fois ultra-réaliste et en même temps singulière qui règne en permanence : nous sommes ballotés en permanence pour notre plus grand plaisir entre vérité hyper-réaliste et magie.

L’écriture de Gary Victor fait mouche en permanence.
Pas étonnant qu’il soit l’auteur haïtien le plus lu.

Tout ceci est enlevé, nerveux. Il appelle un chat un chat. ou un cochon un cochon, plus exactement...
Dès les premières lignes nous sommes véritablement sous le soleil et la chaleur accablants du pays, les descriptions et la psychologie des personnages font que nous nommes plongés dans la vision sans concession et si réaliste du pays.

Au fond, en nous révélant et surtout en dénonçant les travers si prononcés de la société haïtienne, l’auteur milite pour apporter sa pierre à l’édifice qui consiste à sortir son pays de la misère et de la violence.

Gary Victor n’a pas son pareil pour restituer les images et les sons de la langue.
Une fois cet ouvrage lu, vous saurez à tout jamais ce qu’est la tranpe et le kleren, vous connaîtrez le verbe madichoner, vous tremblerez devant le pouvoir des Hougans ou des Bokos, vous aurez envie de goûter le bwa kochon…

O
n l’aura compris, par le biais de cette passionnante enquête policière, Gary Victor nous dresse un portrait ultra-réaliste de son pays.
Il faut lire ce polar géo-politico-sociologique. Haïti est assurément le deuxième personnage principal de cette histoire.

J’espère retrouver très prochainement ce flic attachant, ce
Dieuswalwe (avec deux W, il y tient beaucoup…) Azémar dans une autre aventure.

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